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De nombreux changements à venir aux règlements sur les contrats publics

Le 11 novembre dernier, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié un Projet de règlement modifiant les trois règlements en matière de contrats publics : le Règlement sur les contrats d’approvisionnement des organismes publics (RCA), le Règlement sur les contrats de services des organismes publics (RCS) et le Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics (RCC).

Un tout nouveau règlement est aussi proposé, le Règlement sur les contrats des organismes publics en matière de technologiques de l’information (RCTI), et fait l’objet d’un blogue distinct que vous pourrez lire ici.

Le projet ne prévoit pas d’entrée en vigueur officielle pour le moment, car des changements pourraient être intégrés. Toute personne intéressée peut d’ailleurs soumettre ses commentaires concernant les projets dans un délai de 45 jours de la publication du projet.

Voici les principales propositions touchant l’ensemble des règlements accompagnées de quelques commentaires qui, nous l’espérons, contribueront à la réflexion collective qui s’impose face à un tel projet:

Technologies de l’information : en matière de TI, les contrats d’approvisionnement et de services ne seront plus régis par le RCA et le RCS, mais bien uniquement par le RCTI. Cela s’applique aussi aux contrats pour l’acquisition de logiciels actuellement visés par l’article 29.1 RCA.

Soumissions électroniques : Les organismes publics pourront dorénavant offrir la possibilité aux soumissionnaires de transmettre leur soumission par voie électronique (art 4 (5.2°) RCA, RCS, RCC, 4 (9°) RCTI)*. Le cas échéant, cette transmission devra obligatoirement se faire via SEAO (art 9.2 RCA, RCS, RCC et 14 RCTI).

Une fois la soumission reçue, l’organisme public devra être en mesure d’en vérifier l’intégrité (art 10.1 RCA, RCS, 13.1 RCC et 24 RCTI). Si l’intégrité n’est pas établie, le soumissionnaire se verra accorder deux jours additionnels pour transmettre une version intègre. Cette nouvelle transmission, dont l’intégrité doit être établie, sera réputée avoir été faite avant la date et l’heure limites (art 7.0.1 RCA, RCS, RCC, 9 RCTI).

Commentaire : Nous voyons d’un bon oeil l’introduction de cette option comme façon de soumissionner. Il sera intéressant de voir comment le tout va se matérialiser sur SEAO. À titre d’exemple, que faudra-t-il prévoir pour s’assurer qu’un soumissionnaire placé dans une telle situation ne puisse indirectement modifier le prix de sa soumission après avoir eu connaissance du prix de ses concurrents lors de l’ouverture publique?

Aussi, le dépôt d’une même soumission par voie électronique et sur support papier sera réputé équivaloir au dépôt de plusieurs soumissions, entraînant le rejet de toutes les soumissions déposées (art 7 RCA, RCS, RCC, 8 RCTI).

Regroupements d’achats : Le projet de règlement retire certaines obligations en matière de regroupements d’achats. Il s’agit de l’obligation d’identifier les organismes publics et personnes morales de droit public participants ou ayant exprimé un intérêt à participer au regroupement ainsi que de celle de contracter avec l’adjudicataire retenu (art 5 RCA, RCS et RCC).

Commentaire : Nous ne comprenons pas bien l’objectif poursuivi par le législateur à cet égard. En droit civil, l’identification des parties constitue un élément essentiel à la formation d’un contrat. En retirant cette information, de quelle façon allons-nous établir les parties contractantes? D’autre part, si le contrat doit se former via une personne interposée (mandataire), comme c’est le cas dans les achats groupés, comment le mandataire pourra-t-il limiter sa responsabilité vis-à-vis les soumissionnaires sans dénoncer son mandat? Si l’on maintient le cap avec cette modification, il faudra trouver réponse à ces questions.

Conformité: Les règlements intégreront une nouvelle notion de non-conformité qui s’apparente à la non-conformité mineure reconnue en jurisprudence, soit celle qui peut être corrigée (art 7.0.1 RCA, RCS, RCC, 9 RCTI). Outre le cas touchant l’intégrité d’une soumission transmise par voie électronique dont nous avons déjà traité, voici quelques cas de non-conformité remédiables :

  • l’absence d’un document requis pour lequel le rejet automatique n’est pas prévu;
  • l’absence de signature sur un document pour laquelle le rejet automatique n’est pas prévu; et
  • l’absence de paraphe apposée suite à une rature ou une correction au prix soumis.

Commentaire : Cette modification sera sûrement appréciée. L’introduction de deux lots distincts d’éléments de conformité juridique introduit un élément de souplesse qui sera fort utile. Nous avons toutefois une petite réserve à formuler quant au dernier cas de figure de la non-conformité remédiable. Il pourrait probablement ouvrir la porte à un abus possible. En effet, un soumissionnaire pourrait décider ou non de parapher une rature ou une correction du prix soumis après avoir eu connaissance des prix de ses concurrents lors de l’ouverture publique, ce qui n’est pas souhaitable.

Sur un autre ordre d’idées, nous sommes d’avis que la distinction entre une non-conformité mineure et majeure développée par les tribunaux continuera de s’appliquer aux cas non prévus à l’article ou dans les documents d’appel d’offres.

Du côté des rejets automatiques, outre un ajout touchant les soumissions transmises par voie électronique (art 7 (4°) RCA, RCS, 7 (5°) RCC, 8 (4°) RCTI), la conformité aux spécifications techniques sera dorénavant un cas de rejet automatique en matière d’approvisionnement (art 7 (5°) RCA) ainsi que l’échec des biens soumis aux essais de conformité (art 7 (6°) RCA). Ces deux cas s’appliquent aussi dans le RCTI, mais ne sont pas des cas de rejet automatique (11 RCTI).

Commentaire : Le RCA prévoit un rejet automatique en cas de non-conformité technique et d’échec des essais de conformité, alors que le RCTI ne prévoit pas que le rejet est automatique. Il serait préférable de clarifier le rejet applicable selon nous pour éviter des débats sur ce sujet.

Demandes de précisions : Les organismes publics pourront maintenant se réserver le droit de ne pas répondre aux demandes de précisions formulées moins de 24 heures avant la date et l’heure limites fixées pour la réception des soumissions (art 9 RCA, RCS et RCC, 12 RCTI).

Commentaire : Il s’agit ici d’une innovation qui aidera sûrement à prévenir certains abus de la part de soumissionnaires retardataires. Il serait cependant intéressant de considérer la possibilité d’une gradation de cette limite en fonction du temps total alloué pour déposer une soumission. Par exemple, 24 heures si le délai est de 15 jours, 48 heures si le délai est de 21 jours etc. Cela sera particulièrement utile dans les appels d’offres en construction où la présence du BSDQ peut compliquer la vie à un soumissionnaire qui aurait à modifier sa soumission à la dernière minute suite à une demande de précision tardive.

Évaluation de la qualité : Lorsque l’appel d’offres comporte une évaluation de la qualité, un soumissionnaire non retenu pourra demander à l’organisme public de lui présenter les résultats obtenus pour chacun des critères et les motifs expliquant pourquoi sa soumission n’a pas été retenue (art 26 RCA, 28 RCS, 32 RCC et 33 RCTI). Approvisionnement: Quelques modifications s’appliquent uniquement en matière d’approvisionnement (RCA et RCTI) :

  • Coûts additionnels liés à l’acquisition : Les coûts d’impacts font place aux coûts additionnels liés à l’acquisition. Ces coûts doivent être fondés sur des éléments quantifiables et mesurables identifiés aux documents d’appels d’offres. Il s’agit de coûts à assumer durant la vie utile des biens acquis et notamment, les coûts d’installation, d’entretien, de soutien, de configuration, de licence, d’évolution, d’interopérabilité et de formation non inclus dans le prix soumis. 15 jours suivant l’adjudication du contrat, l’organisme public doit transmettre à chaque soumissionnaire la valeur des coûts additionnels le concernant. (art 15.1.1-15.1.2 RCA, 16 et 31 RCTI);
  • Essais de conformité : Les essais de conformité devront être effectués uniquement sur les biens proposés par le soumissionnaire qui est en voie de devenir adjudicataire. En cas d’échec et de rejet, les essais seront effectués sur les biens proposés par le prochain soumissionnaire et ainsi de suite. Dans le cas des contrats à commandes, les essais peuvent être effectués sur les biens de l’ensemble des soumissionnaires retenus. (art 12 RCA, 27 RCTI) Le SCT intègre une recommandation émise dans le bulletin 2014-08-22 RCA;
  • Bien de remplacement : Dans les contrats à commandes, il sera maintenant possible de permettre au fournisseur de remplacer un bien à contrat par un nouveau bien. Le bien de remplacement devra être conforme aux spécifications techniques initiales et offert au même prix ou à un prix inférieur. Cette possibilité existera aussi pour les contrats conclus avec plusieurs fournisseurs. (art 18.1 RCA, 45 RCTI).

Voilà un bref tour d’horizon sur les principales modifications proposées. Un blogue sur le règlement proposé en matière de TI est disponible ici.


* Les références aux articles des règlements sont celles qui existeront si les règlements sont adoptés tels quels.  

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