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Loi sur l’intégrité: l’AMF passe le test!

Le 15 mai dernier, Les Entreprises Bentech inc. (« Entreprises Bentech ») a vu sa demande de révision judiciaire rejetée en Cour Supérieure, confirmant ainsi la décision de l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») de rendre l’entreprise non admissible aux contrats publics pour les cinq prochaines années (Voir 9129-2201 Québec inc. c. Autorité des marchées financiers, 2014 QCCS 2070 (CanLII)). En effet, l’entreprise a fait une demande d’autorisation le 24 janvier 2013 en vertu des récents amendements à la Loi sur les contrats des organismes publics (« LCOP »), qui prévoit que les entreprises qui souhaitent contracter avec les organismes publics doivent au préalable obtenir l’autorisation de l’AMF stipulant qu’ils satisfont aux « exigences élevées d’intégrité auxquelles le public est en droit de s’attendre ». Usant de ses pouvoirs discrétionnaires, l’AMF a refusé l’autorisation demandée.

L’AMF retient notamment deux motifs pour baser son refus : Entreprises Bentech serait le prête-nom de Construction Bentech et cette dernière n’obtiendrait pas l’autorisation nécessaire en vertu de la LCOP car elle aurait participé à un système de fausse facturation et un système collusoire (articles 21.28 7o et 8o).

Dans sa demande de révision judiciaire, Entreprises Bentech prétend que la norme de contrôle applicable à la révision de la décision de l’AMF est celle de la décision correcte, qui est plus exigeante. L’AMF allègue plutôt la norme de la plus grande déférence, celle de la décision raisonnable. Étant donné que les amendements de la LCOP sont relativement récents, aucun tribunal n’avait encore déterminé le test à appliquer à ces dispositions.

Se basant sur les enseignements de l’arrêt de la Cour suprême Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, la Cour a examiné quatre facteurs pour décider de la norme de contrôle :         1. l’existence ou l’absence de clause privative; 2. la nature de la question en cause; 3. la raison d’être du décideur administratif, suivant sa loi habilitante; et 4. l’expertise du décideur administratif. Tout d’abord, l’AMF jouit d’une clause privative à l’article 34.1 de la Loi sur l’autorité des marchés financiers, qui exclut pratiquement toute forme de contrôle judiciaire. De surcroit, la LCOP ne prévoit aucun droit d’appel pour les décisions rendues par l’AMF, ce qui milite en faveur de la norme de la raisonnabilité. En second lieu, la décision qui incombait à l’AMF était de déterminer si Entreprises Bentech satisfait aux exigences d’intégrité de la LCOP. C’est une décision qui, bien que balisée par des critères, est très discrétionnaire pour éviter que les entreprises puissent contourner la loi. La déférence est de mise lorsque « la question en litige touche aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent être aisément dissociés, ou encore lorsque le décideur administratif interprète sa propre loi constitutive[1]. » Pour ce qui est de la raison d’être et de l’expertise du décideur administratif, la Cour a déterminé que la mission de l’AMF est celle de protéger le public. La LCOP investit l’AMF du pouvoir exclusif d’accorder ou refuser l’autorisation de contracter avec des organismes publics. Ceci est en conformité avec son rôle de protection du public et son expertise particulière en matière de probité. L’AMF possède donc un niveau d’expertise élevé au regard de l’intégrité des entreprises qui demandent l’autorisation pour contracter avec l’État. Tous ces facteurs indiquent donc que le test à appliquer est celui de la décision raisonnable.

La Cour conclut que la décision de l’AMF de ne pas accorder l’autorisation à Entreprises Bentech est raisonnable. En effet, la décision s’inscrit dans l’éventail d’issus possibles acceptables au regard des faits et du droit. Elle conclut que Entreprises Bentech a agit comme prête-nom pour Construction Bentech et que cette dernière n’obtiendrait pas l’autorisation nécessaire en vertu de la LCOP. Des faits graves, précis et concordants ont basés cette décision. En conséquence, en concluant qu’Entreprises Bentech ne réponds pas aux exigences élevées d’intégrité auxquelles le public est en droit de s’attendre des entreprises qui contractent avec l’État, l’AMF a rendu une décision raisonnable, pleinement justifiée à la lumière de la preuve et des règlements applicables.

La discrétion administrative découlant des dispositions du projet de Loi 1 de notre ancien gouvernement péquiste ont donc passé leur premier test judiciaire. Stéphane Bédard devrait en être heureux…


[1] 9129-2201 Québec inc. c. Autorité des marchées financiers, 2014 QCCS 2070 (CanLII), par 88; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 190, pars 53 et 54.

 

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