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Les similitudes entre les bons défendeurs et les bons films

N’ayez crainte, je ne suis pas inspiré par la soirée des Oscars qui a eu lieu hier. Reste que j’utilise souvent des métaphores qui proviennent du monde du cinéma pour illustrer mes propos (j’ai d’ailleurs déjà fait une excellente référence au film Beetlejuice dans le cadre d’une plaidoirie, mais cette histoire devra attendre une autre chronique). C’est également vrai en matière de recours collectif, où les meilleurs défendeurs corporatifs ont beaucoup en commun avec les meilleurs films.

La plus grande difficulté qui attend un défendeur corporatif dans le cadre d’un recours collectif se situe au niveau de la preuve. En effet, le caractère «collectif» d’un tel recours exclut, dans la majorité des cas, la possibilité pour la partie défenderesse de présenter une preuve précise et ciblée. C’est le cas parce que ce sont généralement les pratiques au sens large de l’entreprise qui sont scrutées à la loupe par la Cour. Impossible donc de présenter sa preuve comme on le ferait dans un recours ordinaire.

À cet égard, j’ouvre une parenthèse pour expliquer pourquoi les avocats qui pratiquent en défense en matière de recours collectif roulent toujours les yeux quand un juge écrit que l’autorisation d’un recours collectif n’a pas d’impact sur les droits substantifs de la partie défenderesse. Respectueusement, c’est faux. Le régime de la preuve propre aux recours collectifs implique nécessairement que la partie défenderesse perd le droit important (et certains diront fondamental), de confronter chacun de ses «accuseurs» et de leur opposer une preuve individualisée. De cette façon, il est presque assuré que chaque recours collectif accueilli verra des membres du groupe qui n’auraient autrement pas eu gain de cause dans une action individuelle être «dédommagés». Certes, il s’agit d’un choix légitime de la part du législateur, mais on est très loin d’un pur véhicule procédural qui n’affecte pas les droits au mérite d’une partie défenderesse (fin de la parenthèse).

La problématique pour les défendeurs corporatifs est donc de présenter une preuve probante et convaincante quant à leurs activités. C’est à ce chapitre que l’on rejoint le monde du cinéma; en effet, les meilleurs défendeurs, comme les meilleurs films, comptent sur un excellent script.

L’entreprise qui compte sur un manuel détaillé destiné à ses employés se facilite grandement la tâche en matière de preuve dans le cadre d’un recours collectif. Ce manuel permettra non seulement de faire la preuve des pratiques courantes et des politiques de la compagnie, mais il permettra également à la Cour de présumer de l’application uniforme de celles-ci à travers l’entreprise (et toutes ses succursales). À défaut, il est très difficile pour un défendeur corporatif de faire la preuve de l’application systématique de ses instructions.

Prenons comme exemple un sujet d’actualité tiré du droit de la consommation: l’obligation pour le commerçant d’informer le consommateur de l’existence de la garantie légale. Sans manuel, le défendeur corporatif devrait théoriquement faire témoigner chacun des gérants de ses magasins sur les instructions qu’il donne à ses vendeurs et faire témoigner plusieurs de ces derniers à l’effet qu’ils suivaient systématiquement ces consignes. Ensuite, il faudrait espérer que le juge qui entend la cause est convaincu du caractère probant de cette preuve. Un manuel détaillé des pratiques et des politiques évite en grande partie la nécessité de faire cette preuve. Au contraire, on peut alors se limiter à faire témoigner un représentant de l’entreprise à l’effet que le manuel est remis systématiquement à tous les employés et que l’on insiste sur la nécessité de suivre ces pratiques et politiques. Dans un monde idéal, on a également un engagement de chaque employés à suivre ces pratiques et politiques, en plus d’une confirmation annuelle de respect de cet engagement. Voilà une preuve plus simple et plus convaincante.

Je l’ai déjà écrit sur ce site: rien ne peut anéantir la possibilité de faire l’objet d’un recours collectif. Mais reste que certaines pratiques en réduisent substantiellement le risque, tout en bonifiant la preuve à être ultimement faite dans un procès. C’est définitivement le cas d’un bon manuel pour employés. Maintenant, si quelqu’un pouvait glisser un mot à Matthew McConnaughey ou Kate Hudson sur la valeur d’un bon scénario…

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