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Et que dire du rappel?

Nous discutions la semaine dernière du bénéfice juridique possible qui découlait de la mise en place d’un bon programme de remboursement. Continuant dans la même veine, je désire cette semaine vous entretenir des conséquences juridiques du rappel d’un produit ou son retrait du marché.

De toute évidence, le rappel d’un produit ou son retrait du marché est une décision qui ne doit jamais être prise à la légère par une entreprise. Bon nombre de facteurs entrent en considération. Malheureusement, les conséquences juridiques possibles d’une telle décision entraînent parfois des entreprises à éviter de déclencher le rappel ou le retrait préventif d’un produit. En effet, une telle démarche engendre presque automatiquement le dépôt de recours collectifs dans plusieurs juridictions.

C’est d’ailleurs pourquoi quelques juridictions ont adopté des lois qui protègent les entreprises qui procèdent à des rappels ou des retraits en stipulant qu’une telle démarche ne peut être invoquée dans des procédures judiciaires. On cherche par là bien sûr à encourager les entreprises à se soucier d’abord et avant tout au bien être de leurs consommateurs sans avoir à craindre le dépôt automatique de procédures judiciaires. L’idée a beaucoup de mérite.

Bien que le Québec a songé il y a quelques années à adopter une telle loi, l’idée est morte au feuilleton. Or, les tribunaux semblent vouloir combler ce vide en matière de recours collectif. En effet, comme le démontre la décision récente rendue dans MacMillan c. Abbott Laboratories (2012 QCCA 1684), les tribunaux québécois refusent, au stade de l’autorisation, de présumer que le rappel d’un produit sous-entend la commission d’une faute par le manufacturier. L’allégation d’un tel rappel ou retrait n’est donc pas suffisante pour justifier l’autorisation d’un recours collectif.

Dans cette affaire, le Requérant signifie une requête en autorisation d’exercer un recours collectif en dommages-intérêts contre les fabricants, distributeurs ou vendeurs d’un médicament, quatre jours après son retrait du marché.

Plus précisément, le Requérant prétend que les Intimées ont faussement représenté l’efficacité du médicament sur le traitement de l’obésité, qu’elles ont manqué à leur obligation d’informer les patients du risque d’incidents cardiovasculaires et que la gravité des risques encourus par rapport aux bénéfices escomptés fait en sorte que le médicament n’aurait pas dû être mis en vente.

L’Honorable juge Claudine Roy indique qu’il faut pousser l’analyse plus loin que le simple fait d’un rappel du médicament pour déterminer si, prima facie, les faits allégués justifient les conclusions recherchées. Le rappel précautionnaire d’un produit n’implique pas nécessairement faute selon la juge Roy, même si ce rappel est ordonné par une autorité réglementaire:

[65] En somme, l’évaluation du ratio risques/bénéfices est insatisfaisante. Les autorités préfèrent attendre des études complémentaires avant que la vente du Médicament reprenne.

[66] Le fait que les autorités réglementaires considèrent que le ratio risques/bénéfices ne justifie plus la mise en marché est certes un élément préoccupant, mais M. MacMillan n’explique pas comment il entend faire le lien entre cet élément et la responsabilité du fabricant.

[67] En fait, ces commentaires des autorités réglementaires illustrent bien une difficulté à laquelle M. MacMillan et les membres devraient faire face si le recours était autorisé : les patients obèses présentent eux-mêmes de hauts risques de subir des incidents cardiovasculaires, avec ou sans le Médicament.

[68] L’étude SCOUT ne démontre pas quelle est la cause des incidents dont les participants ont été victimes ni s’il est scientifiquement possible de prouver qu’un infarctus ou accident vasculaire cérébral est causé par le Médicament plutôt que par l’obésité du patient.

[69] Il n’est pas nécessaire au stade de l’autorisation d’apporter toutes les réponses, mais il faut minimalement expliquer sa théorie de la cause.

Voilà un développpement jurisprudentiel qui est, selon moi, bénéfique tant pour les entreprises que pour les consommateurs parce qu’il aide à créer un environnement plus propice au rappel ou au retrait d’un produit en cas de doute quant à ces effets. Espérons que cette tendance se maintienne et même que le législateur intervienne pour y donner force de loi.

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