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Nouvelle décision portant sur la règle du mandat apparent!

La conclusion d’un contrat avec une entité soulève parfois l’application de la règle du mandat apparent, aussi connue sous le nom de l’indoor management rule, prévue à l’article 2163 C.c.Q. Selon cette règle, la personne laissant l’impression qu’elle agit à titre de mandataire pour une entité, aux yeux du tiers contractant, engage la responsabilité de celle-ci.

Dans un jugement récent, la Cour supérieure s’est penchée sur la validité d’un contrat d’une durée de 5 ans, totalisant la somme de 177 306$, signé par la réceptionniste de la société demanderesse, Ebénisterie Classique Inc. («ECI»). Il s’agit d’un contrat à prix fixe pour la vente de gaz naturel à ECI. Le vendeur est la société défenderesse Superior Energy Management Gas LP («SEMG»). Or, comme Gaz Métro a le monopole de la distribution du gaz au Québec, elle est responsable de la facturation du gaz de SEMG à ECI.

Les circonstances entourant la conclusion du contrat sont à l’origine du litige. L’histoire commence lorsque deux représentants de SEMG rendent visite à ECI afin que cette dernière conclue un contrat de vente de gaz à prix fixe. Lorsqu’ils se présentent à la réception, les représentants sont accueillis par Samantha Mathys, réceptionniste d’ECI. À l’issue de cette visite, ceux-ci repartent avec le contrat signé par Mme Mathys. C’est seulement lors de l’examen des dépenses d’ECI que cette dernière s’aperçoit qu’un contrat a été conclu avec SEMG.

Ce litige soulève plusieurs questions. Or, les questions en lien avec la capacité de Mme Mathys à signer le contrat et la bonne foi des représentants de SEMG suscitent davantage notre intérêt. D’entrée de jeu, la Cour doit déterminer si Mme Mathys avait la capacité requise pour engager la responsabilité d’ECI. La Cour répond à cette question par la négative.

Tout d’abord, la preuve démontre de façon non équivoque que Mme Mathys ne pouvait engager la responsabilité d’ECI. En effet, elle occupait le poste de réceptionniste. Ce faisant, elle travaillait derrière le comptoir à la réception d’ECI et portait un casque d’écoute pour prendre les appels en tout temps. De plus, Mme Mathys était à l’époque âgée de 23 ans et n’avait pas de titre professionnel.

À la lumière de ces faits, la Cour a tenté d’appliquer la règle du mandat apparent afin de déterminer si les représentants d’ECI pouvaient raisonnablement croire que Mme Mathys avait l’autorité nécessaire pour engager ECI. Après analyse, la Cour répond également par la négative. La Cour rappelle que pour invoquer la règle du mandat apparent avec succès, trois conditions doivent être remplies. Premièrement, la personne ayant conclu le contrat ne doit pas avoir de pouvoir de représentation. Deuxièmement, le tiers contractant (SEMG) doit avoir commis une erreur de bonne foi. Puis, le mandant, soit ECI, doit avoir donné des raisons au tiers contractant de croire qu’il existe un mandat.

La Cour énonce qu’il n’existe aucun mandat apparent en l’espèce. Le poste de réceptionniste de Mme Mathys ne pouvait donner l’impression que celle-ci était en mesure d’engager ECI dans le contrat en litige. Ses fonctions consistaient à «accueillir les personnes qui se présentaient à la réception de l’entreprise, à répondre au téléphone et transférer les appels et enfin à aider à différentes tâches comme la réception et la distribution du courrier […]». Ainsi, la Cour estime que les représentants de SEMG ne peuvent être de bonne foi en prétendant que Mme Mathys détenait l’autorité requise pour apposer sa signature sur le contrat. Elle est également d’avis que les représentants ont fait preuve d’aveuglement volontaire.

La Cour affirme également que Mme Mathys a erré quant à la nature des documents signés. En effet, les représentants lui ont indiqué vouloir sa signature afin d’attester de leur visite, qui était selon leurs prétentions, une inspection. Mme Mathys n’a pas non plus examiné le document avant de le signer.

De plus, la Cour a précisé qu’il ne s’agissait pas d’une erreur inexcusable puisqu’elle est due au dol des représentants de SEMG. En appliquant les principes énoncés à l’article 1401 C.c.Q., la Cour «estime qu’il tombe sous le sens «juridique» qu’une personne qui en a sciemment trompé une autre ne puisse échapper à sa responsabilité en reprochant à sa victime de ne pas avoir pris les moyens de se protéger».

Au terme de son analyse, la Cour est d’avis que Mme Mathys ne possédait pas l’autorité requise, que les représentants ne pouvaient, de bonne foi, invoquer l’existence d’un mandat apparent et que ces derniers ont obtenu la signature du contrat par le biais de fausses représentations. Elle accueille ainsi l’action en dommages d’ECI.

 

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