HomeBlogueInnovations juridiquesActualités juridiquesBordereau de prix et cahier des charges: lequel prévaut en cas de contradiction?

Bordereau de prix et cahier des charges: lequel prévaut en cas de contradiction?

Les organismes publics lancent fréquemment des appels d’offres pour l’octroi de contrats assortis d’une période de renouvellement. Or, en pareille situation, les soumissionnaires doivent-ils également spécifier à quel prix le contrat sera exécuté au cours de la période de renouvellement? Doivent-ils plutôt se limiter à proposer un prix pour la durée initiale du contrat? La Cour supérieure a récemment eu l’occasion de se pencher sur la question.

Dans une décision opposant le demandeur Louis-Philippe Vaillancourt («Vaillancourt») à la Municipalité de La Pêche (la «Municipalité»), la Cour a statué que les soumissionnaires ne doivent pas présenter de prix pour la période de renouvellement.

Depuis plus de 20 ans, Vaillancourt, étant à chaque fois le soumissionnaire le plus bas, se voit adjuger tous les contrats de balayage des trottoirs de la Municipalité. Ces contrats ont toujours été d’une durée de 3 ans avec une possibilité de renouvellement de 2 ans. À sa grande surprise, les contrats de balayage pour les années 2010 à 2012 ne lui sont pas octroyés puisque sa soumission n’est pas la plus basse. En effet, sa soumission se situe au 3e rang. Cependant, la soumission la plus basse a été rejetée pour non-conformité, réduisant ainsi l’écart entre la soumission retenue et celle de Vaillancourt à seulement 1004,73$.

Bien qu’il ne soit pas le plus bas soumissionnaire, Vaillancourt a déposé la soumission la plus basse sur une période de 5 ans, soit pour la durée initiale du contrat et la période de renouvellement. Ce faisant, il allègue que la Municipalité doit prendre en considération le prix soumis pour la période de 5 ans et non seulement le prix lié à la durée initiale de 3 ans. Pour ces raisons, il intente une action en dommages contre la Municipalité.

Dans les faits, le bordereau de prix comporte deux rubriques, soit l’une demandant aux soumissionnaires d’indiquer leur prix quant aux 3 premières années, et l’autre leur demandant de proposer un prix pour les 2 années de renouvellement. Or, le cahier des charges prévoit quant à lui un prix distinct en ce qui concerne la période de renouvellement. Plus précisément, il y est prévu que le prix pour cette période sera celui du contrat de 3 ans, «majoré de l’indice des prix à la consommation». La preuve indique que la Municipalité ne tient aucunement compte du prix inscrit sur le bordereau de prix quant à la période de renouvellement.

Ainsi, la Municipalité a octroyé les contrats de balayage au soumissionnaire ayant présenté la soumission la plus basse pour la durée initiale de 3 ans seulement. La Cour devait donc déterminer si la Municipalité avait l’obligation d’accorder le contrat à Vaillancourt «malgré le fait que le contrat porte sur trois ans, et le fait qu’en l’espèce le renouvellement de deux ans n’a pas eu lieu».

Après examen, la Cour répond à cette question par la négative. Premièrement, la soumission de Vaillancourt est la plus basse uniquement dans l’éventualité où le contrat est réellement renouvelé, ce qui ne fut pas le cas en l’espèce. De plus, les documents d’appel d’offres démontrent clairement qu’il s’agit d’un contrat de 3 ans. Ainsi, les soumissionnaires «ne s’engagent que pour un contrat de trois ans, et non pas pour cinq ans». La Cour précise que pour déclencher la période de renouvellement, la Municipalité doit d’abord opter en ce sens et le soumissionnaire retenu doit y consentir. Elle rappelle aussi que le contrat de balayage n’a pas fait l’objet de renouvellement.

Tout en reconnaissant que la Municipalité a commis une erreur en demandant un prix pour la période de renouvellement dans le bordereau de prix, la Cour se prononce comme suit:

[62]    Ce serait un non-sens d’agir ainsi quand le contrat, à sa face même, est de trois ans. Le bon sens exige que ce soit celui qui a déposé la plus basse soumission pour trois ans qui soit celui qui exécutera le contrat de trois ans.

[63]      Autrement, on octroie un contrat de trois ans à celui qui a la plus basse soumission sur cinq ans alors qu’il n’y a aucune certitude que le contrat s’étendra sur une période de cinq ans.

[64]       En fait, avec le passage du temps, nous savons maintenant qu’il n’y a pas eu de contrat se prolongeant à cinq ans car le renouvellement possible pour deux ans n’a pas eu lieu.

[65]       Tout ceci permet de conclure que la Municipalité n’a commis aucune faute en octroyant le contrat au plus bas soumissionnaire conforme ayant proposé le prix le plus bas pour les trois années de ce contrat de trois ans.

Au surplus, la Cour ajoute que même si elle avait donné raison à Vaillancourt, sa soumission aurait été rejetée pour non-conformité. En effet, l’absence d’initiales et de signature à certains endroits dans les documents d’appel d’offres constitue, en l’espèce, un cas de rejet automatique.

Ainsi, il ressort de cette décision qu’en présence d’une contradiction entre le bordereau de prix et le cahier des charges, l’organisme public doit seulement considérer le prix proposé pour la durée initiale du contrat, conformément à ce qui est prévu dans le cahier des charges.

 

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