HomeBlogueInnovations juridiquesActualités juridiquesLes détaillants US ont-ils encore peur du Québec?

Les détaillants US ont-ils encore peur du Québec?

En janvier dernier, Target Corp. a annoncé qu’elle entendait ouvrir environ 150 magasins au Canada en 2013, après avoir payé 1,83 G$ pour les baux de 220 magasins Zellers.

Ce nouveau joueur suscite un grand enthousiasme de la part des consommateurs, et des propriétaires de centres commerciaux qui bénéficieront de l’arrivée de Target, et s’attendent à une augmentation de l’achalandage dans leurs propriétés. On se demande pourquoi ils ont attendu si longtemps. Les avocats seraient-ils à blâmer?

En effet, outre la passion du magasinage et l’intérêt des gestionnaires immobiliers, l’arrivée de Target en sol canadien suscite déjà des débats juridiques passionnés, dont un différend quant à la marque et les questions de droit du travail (simple transaction immobilière ou poursuite de l’entreprise? — article ici).

Ceci met en relief une question plus particulière en ce qui concerne le Québec : comment se fait-il que tant de détaillants américains hésitent encore à venir au Québec, alors qu’ils sont bien implantés à l’international et même à Toronto et ailleurs au Canada? On pense par exemple à Abercrombie & Fitch, Aeropostale, Anthropologie, Coach, Pottery Barn, Williams-Sonoma, Restoration Hardware, ou encore à la mecque des « foodies », Wholefoods.

Dans une interview récente concernant le projet du Séville Stephen Bronfman aborde directement ce sujet. Il a bien essayé de convaincre Wholefoods de s’installer au centre-ville de Montréal, en synergie avec MEC (Montain Equipment Coop), mais Wholefoods est demeuré « sceptique » et même « nerveux » par rapport au marché du Québec. Aucune indication n’a été donnée quant à la source de ces inquiétudes. Serait-ce la Charte de la langue française, le revenu moyen des québécois, nos habitudes de consommation, les lois du travail et les possibles velléités syndicales, ou tout ceci à la fois? Ça ne pourrait être nos baux commerciaux, en tout cas, ceux-ci étant très semblables aux baux utilisés ailleurs en Amérique du Nord. De plus, notre droit est même plus favorable aux locataires commerciaux que dans les juridictions de common law. En voici trois illustrations :

1. Les droits des locataires sont protégés face aux créanciers hypothécaires du bailleur par la simple publication d’un avis de bail au registre foncier et ce, qu’ils aient publié leur bail avant ou après la publication de l’hypothèque du créancier (cf. Trust Royal c. Pinkerton Flowers, CA 2004). Dans d’autres juridictions, les locataires doivent obtenir des conventions de jouissance paisible de la part des créanciers hypothécaires.

2. Les bailleurs des autres provinces et juridictions de common law ont souvent un privilège du bailleur (« landlord lien ») et/ou des droits sur les biens du locataire (« right to distrain ») et ce, du simple fait d’avoir signé un bail. Les bailleurs du Québec doivent conclure une hypothèque mobilière conventionnelle, ou l’insérer dans le bail, et c’est souvent la première chose à être biffée lors des négociations, d’autant plus que cette hypothèque ne confère pas de rang particulier au bailleur et que les chances de récupérer un montant autre que symbolique sont minces, en cas de déconfiture du locataire.

3. Sauf indication contraire dans le bail, le locataire est dégagé de toute responsabilité en cas de cession du bail à un autre locataire. C’est l’inverse les juridictions de common law, la règle étant plutôt que le locataire initial demeure lié envers le bailleur, même si le bail a été cédé à un autre locataire.

Quoi qu’il en soit, nous devrons nous rendre à Burlington pour quelque temps encore si nous voulons faire nos courses chez Wholefoods, à moins de faire augmenter la pression en magasinant chez des détaillants actuellement présents en sol québécois, tels que Rachelle-Béry et April?

Ceci soulève évidemment la question de l’influence de l’arrivée de détaillants étrangers sur la rentabilité des détaillants locaux. Cela dépend du secteur d’activité et du type de magasin, mais on peut postuler que cette influence a au moins un côté positif, en ce qu’elle stimule les détaillants existante et les encourage à demeurer à la page.

Considérant ceci et les autres facteurs positifs que sont, notamment, une concurrence accrue et un plus grand choix pour les consommateurs, des loyers intéressants et plus d’achalandage dans les centres commerciaux ou les artères commerciales, selon le cas, et les retombées fiscales découlant de l’arrivée de ces nouveaux joueurs, quelles stratégies devrions-nous employer pour convaincre les sceptiques parmi nos voisins du sud?

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