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Qu’est-ce qu’une femme

Est-ce une question de sexe ? Est-ce une question du genre ? Est-ce une question de perception sociale? Dans le monde du sport, cette lignée d’interrogation cause beaucoup de controverses. Revenons en arrière, en 2009 à Berlin, où l’athlète Caster Semenya spécialiste du demi-fond a été soumise à des tests de féminité pendant le Championnat du Monde afin de déterminer si la sportive professionnelle n’était un hermaphrodite ou une femme androgyne.

Une curiosité particulière ciblant l’athlète a vue le jour alors que celle-ci a brisé le record mondial du 800m pendant le Championnat Africain Junior quelques mois avant le championnat du monde à Berlin. La fédération sud-africaine a effectué une vérification qui, selon des experts, était très primitive. En effet, il s’agissait de faire une observation visuelle des organes génitaux de Mlle Semenya. Ce faisant, la fédération a estimé que l’athlète était bel et bien femme et qu’il n’y avait pas de souci à se faire quant à sa participation à Berlin.

En effet, la controverse a prise toute son ampleur lorsque l’Association internationale des fédérations d’athlétisme  (l’AIFA) a annoncé que des mesures préventives devaient être prises afin de confirmer si Mlle Semenya était une femme et qu’elle méritait sa médaille en tant que Championne du Monde. Même si le processus décisionnel s’est déroulé à huis clos et qu’aucuns commentaires ne furent donnés par l’AIFA, le brouhaha dans le monde sportif et médical s’est bien fait entendre.

La polémique concerne l’essence même du test de féminité. Tout d’abord, la vérification effectuée par la fédération sud-africaine n’est pas du tout un moyen d’assurer le sexe d’une personne. L’hermaphrodisme ou le pseudohermaphrodisme sont des concepts qui vont bien au-delà des organes génitaux visibles.  Pour résumer les individus atteints de pseudo-hermaphrodisme possèdent soit des cellules ovariennes soit des cellules testiculaires mais jamais les deux. Ils se caractérisent par une discordance entre leurs sexes chromosomiques (normalement XX pour la fille et XY pour le garçon) et leurs caractères sexuels apparents correspondant à l’appareil sexuel visible de l’extérieur. L’hermaphrodisme vrai quant à lui se définit par la présence chez un même individu d’appareil génital féminin et masculin (ovaires et testicules) correspondant à une ambiguïté sexuelle. Ce développement des organes sexuels, où l’on voit coexister à la fois des esquisses, des germes plus ou moins complets et différenciés de tissu (regroupement de cellules) masculin ou féminin, survient très rarement.

Un commentaire publié dans le journal de l’Association médicale américaine précise : « La vérification du genre sexuel a longtemps été critiquée par des généticiensendocrinologues, et d’autres dans la communauté médicale. Un des problèmes majeurs était d’exclure injustement des femmes qui avaient un défaut de naissance impliquant les gonades et les organes génitaux externes (i.e. pseudohermaphrodisme masculin) (….) Un second problème est que seules les femmes, pas les hommes, sont stigmatisées par les tests de genre sexuel. Un suivi systématique était rarement mis en place pour les athlètes féminines “échouant” au test, qui se traduisait souvent par un “déballage” sur la place publique. Le suivi était crucial, car le problème n’était pas les imposteurs masculins, mais bien la confusion causée par la méconnaissance du pseudohermaphrodisme masculin. »

Les tests entamés par l’AIFA en 2009 n’ont pas été divulgués au public, par contre le monde médical est d’accord pour affirmer qu’un test génétique n’est pas suffisent. Il est primordial qu’une approche multidisciplinaire soit prise. De nos jours, la détermination du sexe implique typiquement des gynécologuesendocrinologuespsychologues et internistes.

Ce n’est que le 6 juin 2010, environ une année après sa course au Championnat du Monde, que l’AIFA a annoncé que selon la recommandation du panel médical, Mlle Semenya pouvait courir dans les compétitions à venir.

En Janvier 2010, le Comité International Olympique (l’IOC) s’est réuni à Miami afin de développer davantage le déroulement des tests de féminité. Le premier obstacle affronté est celui du faible niveau d’expertise en ce qui a trait à ce genre de vérification, d’où leur difficulté à rédiger des lignes directrices sur le sujet. Par contre, l’IOC est arrivé au consensus suivant : le déploiement de plusieurs centres médicaux à travers le monde avec le but ultime de faire évoluer le processus. Une vague d’espoir bien sûr, mais reste que nous ne connaissons toujours pas ce qu’est une femme !

Cet article a été écrit avec l’étroite collaboration d’Amir Tajkarimy, étudiant en droit chez Heenan Blaikie

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