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Accès aux documents ministériels et transparence démocratique

Dans l’affaire Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), rendue le 13 mai 2011, la Cour suprême décidait que les bureaux ministériels – incluant le bureau du premier ministre, n’étaient pas considérés comme des « institutions fédérales » aux fins la Loi sur l’accès à l’information du Canada. Sauf l’application d’exceptions, cette Loi permet aux citoyens l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale.

Cette affaire découlait d’une demande formulée par un recherchiste de l’ex- Reform Party pour obtenir certains documents liés au Sommet de l’APEC, à Vancouver, en 1997. La demande a été judiciarisée par l’intervention du Commissaire à l’information du Canada et visait des documents comprenant les agendas quotidiens de l’ancien premier ministre Jean Chrétien, des ordres du jour et documents se rapportant à des réunions auxquelles avait assisté l’ancien ministre de la Défense nationale et les itinéraires et calendriers de réunions de l’ancien ministre des Transports.

La Cour suprême a rejeté une approche « fonctionnelle » proposée par le Commissaire à l’information du Canada en vertu de laquelle il fallait s’attarder, non pas au lieu où le document se trouve, mais plutôt à la question de savoir si le document a été créé pour documenter des fonctions ministérielles ou encore strictement politiques. Selon le Commissaire, les documents ministériels seraient accessibles mais pas les documents politiques. La Cour a rejeté cette approche indiquant que le Législateur avait voulu protéger non pas « le contenu précis des documents, mais le processus permettant de traiter différents types de renseignements ». En d’autres termes, selon la Cour, le Législateur a voulu protéger l’intégrité du processus politique.

Dans des motifs séparés, le juge Lebel soulevait le problème de l’oubliette, c’est-à-dire que l’interprétation proposée pouvait avoir pour effet de créer une présomption qui priverait le public de tout droit d’accès aux documents se trouvant au cabinet d’un ministre. La majorité a exprimé l’avis qu’il n’existait pas une telle présomption. En effet, la Loi sur l’accès à l’information permet l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale. Dans le cas d’un document se rapportant à une affaire ministérielle, et si une institution fédérale ou un ministère peut raisonnement s’attendre au retour du document sur demande, il sera visé par la Loi sur l’accès à l’information, même s’il se trouve physiquement dans un bureau ministériel. On pourrait penser aux notes de breffages ou aux documents décisionnels du Cabinet qui sont préparés, classés et archivés par les fonctionnaires.

Récemment, les Commissaires à l’information du Canada appelaient leurs gouvernements respectifs à démontrer leur engagement à l’égard d’une culture de transparence gouvernementale. Les Commissaires soulignaient que : « Partout dans le monde, des gouvernements reconnaissent l’importance de communiquer l’information au public de façon transparente et accessible. Ils comprennent que la collaboration avec les citoyens, les entreprises et les organismes non gouvernementaux en vue de multiplier leurs sources d’information améliore les voies de communication, encourage l’engagement des citoyens, accroît la confiance envers le gouvernement, favorise les opportunités économiques et finalement, conduit à un gouvernement démocratique plus ouvert, transparent et réceptif. »

La question légitime se pose de savoir quels seront les impacts de l’exclusion des bureaux politiques du régime de l’accès à l’information au Canada. Il peut être certes souhaitable de protéger la candeur des échanges strictement politiques, par exemple la stratégie politique, électorale ou parlementaire, ou encore des échanges entre les élus et leurs commettants. D’autre part, on peut se questionner sur l’opportunité d’exclure complètement du régime d’accès à l’information les documents et informations politiques dans la mesure où ils peuvent jeter un éclairage sur l’administration des affaires publiques par le parti au pouvoir. Les documents et informations sensibles peuvent être autrement protégés par l’application de diverses exceptions d’intérêt public prévues par la Loi sur l’accès à l’information.

Cette décision de la Cour suprême devrait susciter une réflexion sur l’ouverture et la transparence des activités liées à la gestion gouvernementale, éléments essentiels pour maintenir la confiance des citoyens en leur système démocratique.

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