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Nouvelles électorales

Aujourd’hui, je voulais prendre un instant pour vous entretenir des élections et ce, sous deux angles bien précis.

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D’abord, le dossier de Ruth Ellen Brosseau, nouvelle députée de la circonscription de Berthier-Maskinongé (l’histoire est notamment relatée ici et ici).

Au-delà des questions strictement politiques et médiatiques (et elles sont nombreuses…), ce dossier concerne l’article 66 de la Loi électorale du Canada. Cet article prévoit que les actes de candidature remis à un directeur de scrutin doivent notamment comprendre « les nom, adresse et signature, en présence chacune d’un témoin, d’au moins cent électeurs de la circonscription ». Or, selon plusieurs médias, certains des électeurs mentionnés à l’acte de candidature de madame Brosseau affirment ne pas avoir signé un tel document ou, le cas échéant, l’avoir signé par erreur (pensant qu’il s’agissait d’une pétition).

La question des « erreurs » est secondaire et, bien honnètement, il serait très risqué de permettre la remise en question d’un acte de candidature sur cette base. « L’erreur » peut souvent masquer un simple changement d’opinion et le système serait très instable si une candidature pouvait être remise en question à chaque fois qu’un électeur change d’idées. Qui plus est, puisque l’électeur demeure entièrement libre de voter pour le candidat de son choix même s’il signe un acte de candidature, son « erreur » ne lui cause strictement aucun préjudice.

La question des « fausses signatures » est, pour sa part, passablement plus grave et ce, surtout pour la personne ayant agi comme témoin pour madame Brosseau.

Il faut en effet comprendre que madame Brosseau n’est pas nécessairement la personne qui a recueilli les signatures (cette fonction pouvant être – et étant souvent – déléguée) ou qui a attesté de leur véracité; ce rôle revient à son témoin (que les médias n’ont pas encore identifié à ma connaissance). C’est donc lui qui devrait faire face aux questions (et aux sanctions) les plus dures et c’est lui qui, si les allégations véhiculées par les médias s’avèrent vraies, pourrait faire l’objet d’accusations pénales (voire criminelles s’il a sciemment falsifié le document).

Pour ce qui est de madame Brosseau elle-même, il est difficile, à ce stade, de déterminer l’étendue de sa responsabilité éventuelle; si elle n’a pas joué un rôle direct dans la collecte des signatures, elle devrait être limitée…

Pour ce qui est des demandes visant la reprise d’une élection dans cette circonscription, il sera très intéressant de voir comment elles seront traitées par le directeur général des élections. A priori, la Loi électorale ne contient pas de mécanismes permettant explicitement la reprise d’une élection en raison de la présence d’une fausse signature à un acte de candidature confirmé par un directeur de scrutin (ce qui a été le cas en l’espèce). D’ailleurs, d’un point de vue philosophique, on peut s’interroger sur l’importance de l’acte de candidature après sa confirmation, surtout lorsque la candidate obtient la majorité lors du suffrage… après tout, les électeurs ayant choisi madame Brosseau ignoraient que monsieur Young (i.e. l’homme visé par les reportages) avait signé l’acte de candidature de cette dernière et ils ne peuvent sûrement pas affirmer que la présense (ou l’absence) du nom de ce dernier a influencé leur vote d’une façon ou d’une autre.

En bref, même si toute cette histoire tire son origine de la Loi électorale, elle relève davantage duspectre politique que du spectre juridique.

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Ensuite, les intéressantes implications juridiques du litige ayant opposé madame Elizabeth May et le consortium des médias impliqués dans les débats télévisés.

Comme vous le savez probablement, en avril dernier, madame May a contesté devant les tribunaux la décision du consortium composé de Radio-Canada, CTV, Global et TVA de ne pas lui permettre de participer aux débats des chefs. Pour diverses raisons (reliées essentiellement à des questions procédurales), la demande de madame May fut rejetée le 5 avril par l’honorable Marc Nadon, j.c.a. (voir May v. CBC/Radio-Canada).

Ce qui est intéressant dans la décision du juge Nadon, c’est qu’elle explique l’une des assises méconnues de ce type de litiges, à savoir les règles administratives du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Il faut comprendre que, en principe, la décision du consortium est la décision d’acteurs du secteur privé; elle ne peut donc pas être contestée en vertu de la Charte canadienne(qui s’applique à l’action gouvernementale). Afin de contourner ceproblème, madame May (et les autres personnes souhaitant participer davantage au processus politique en invoquant l’article 3 de la Charte canadienne) articule habituellement leur contestation sous l’angle d’une attaque contre la Loi électorale elle-même ou, comme en l’espèce, sous l’angle d’une demande de révision judiciaire d’une décision administrative (du directeur général des élections ou, dans cette affaire, du CRTC).

En effet, afin de conserver leur licence, les télédiffusseurs canadiens doivent respecter un certain nombre de règles. Ces règles (voir notamment les avis 1995-44 et 2011-218) énoncent notamment les principes directeurs applicables durant les élections et, eu égard aux débats, il y est indiqué que :

In view of this judgment [il s’agit de l’affaire R. v. CBC et al., 51 C.P.R.(3rd)], the Commission will no longer require that so-called « debates » programs feature all rival parties or candidates in one or more programs. The Commission considers that licensees will have satisfied the balance requirement of the Broadcasting Act if reasonable steps are taken to ensure that their audiences are informed of the main issues and of the positions of all candidates and registered parties on those issues through their public affairs programs generally. The Commission still believes that news coverage should generally be left to the editorial judgment of the broadcast licensee.

Le recours de madame May était donc fondé sur le fait que cette règle violait l’article 3 de la Charte canadienne (ce qui, a priori, semble discutable) et que, afin de se conformer à la Charte, le CRTC devrait émettre des règles exigeant la présence de tous les partis ayant recueilli plus de 2% des votes lors de l’élection précédente. La question n’ayant pas été tranchée au mérite par le juge Nadon, il sera intéressant de voir si elle est à nouveau soulevée par un candidat ou un parti politique dans le futur.

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Le 21 avril dernier, je vous faisais part d’une curieuse décision rendue par le Cour supérieure dans une affaire impliquant l’Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles. Veuillez noter que, tel que prévu, le Procureur général du Québec a inscrit cette affaire en appel le 27 avril dernier.

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