HomeBlogueInnovations juridiquesActualités juridiquesActrice porno, une activité incompatible?

Actrice porno, une activité incompatible?

Je lisais récemment le Journal La Presse quand j’ai aperçu un court article faisant état du congédiement par la Commission scolaire des Navigateurs d’une agente de bureau d’une école secondaire en raison de sa « carrière » parallèle d’actrice porno. Selon les informations révélées dans les médias, ce congédiement est survenu suite à la découverte par un élève de cet autre « emploi » où elle était connue sous le nom de Samantha Ardente. Ayant découvert la « célébrité » de l’agente de bureau, l’élève, un adolescent de quatorze (14) ans, lui aurait demandé un autographe qu’elle a décliné, refusant également de confirmer qu’elle était celle que l’adolescent croyait.

Cela n’a toutefois pas empêché la rumeur de se répandre et ultimement, de mener à son renvoi par la Commission scolaire qui a jugé que « (…) les faits et gestes (…) sont inappropriés, inacceptables et incompatibles non seulement avec notre mission, mais aussi avec les valeurs que nous souhaitons transmettre à nos jeunes élèves (…) » ( http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/regional/archives/2011/04/20110407-193420.html ). Avant de prendre sa décision, la Commission scolaire aurait proposé à la salariée de la relocaliser à d’autres fonctions, offre que la salariée aurait refusée, selon ses dires parce que l’une des conditions imposées concernant sa vie privée était inacceptable.

Cette mesure m’a amené à me questionner sur le droit d’un employeur d’intervenir pour un motif comme celui-là, particulièrement compte tenu qu’il ne s’agit pas ici d’un professeur mais bien d’une agente de bureau. Il est reconnu qu’un employeur peut, dans certaines situations, intervenir pour discipliner et même congédier un salarié en raison de ses gestes ou activités en dehors du travail. L’employeur doit alors démontrer que les gestes ou activités du salarié ont un lien avec le travail ou qu’ils affectent sa capacité à gérer efficacement ses opérations ou son organisation de façon plus générale. On pense par exemple aux cas de harcèlement ou de violence perpétrés hors du travail à l’endroit de supérieurs, de collègues ou de subordonnés. On pense également au salarié qui effectue des activités incompatibles avec sa condition médicale alléguée.

On peut également penser aux situations où un employeur a mis fin à l’emploi d’un salarié en raison de son second « emploi » ou de ses occupations hors du travail. Toutefois, il s’agit généralement soit de manquements à l’obligation de loyauté (salarié qui fait concurrence à son employeur) ou de cas où l’emploi ou l’occupation en question affecte la capacité du salarié à fournir la prestation de travail à laquelle son employeur est en droit de s’attendre. Mais ce n’est pas vraiment ce dont il est question dans cette affaire.

On connaît également plusieurs décisions où un employeur est intervenu en raison d’un comportement hors du travail qu’il jugeait incompatible avec la poursuite des fonctions de l’employé mais souvent, il s’agit de conduites criminelles telles fraude, trafic de stupéfiants, vol, agression sexuelle, etc.
Que l’on considère la carrière d’actrice porno comme étant contraire ou non à certaines valeurs, il demeure qu’il ne s’agit pas d’activités interdites par la loi. Il ne s’agit pas non plus d’un cas où la salariée a publicisé son occupation « extra-professionnelle » auprès des élèves, créant en quelque sorte son propre malheur.

Je ne peux pas m’empêcher de trouver que ce sera assurément une audition très intéressantes. Il est déjà acquis que la Commission scolaire soulèvera le caractère incompatible des activités de la salariée par rapport aux « valeurs » que l’organisation doit véhiculer auprès des élèves. Je pense toutefois que c’est une question qui est loin d’être évidente. Après tout, on parle ici d’une activité hors du travail, que notre société n’a pas jugé bon de rendre illégale. Est-ce suffisamment contraire aux « valeurs » d’une Commission scolaire pour justifier le renvoi d’une agente de bureau? Et les « valeurs » en question sont elles opposables à la salariée? Aurait-on pris la même décision si elle avait été reconnue coupable dans le passé d’alcool au volant, de possession de drogue ou de voies de fait? J’ai l’impression que c’est un peu pourquoi la Commission scolaire a jugé bon d’offrir à la salariée de la relocaliser à d’autres fonctions.

Ce sera intéressant de voir quelle position prendra l’arbitre saisi de cette affaire. Et vous, croyez-vous que la Commission scolaire était justifiée d’agir comme elle l’a fait?

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