HomeBlogueInnovations juridiquesActualités juridiquesImmobilier résidentiel — Le vendeur peut-il refuser une offre d’achat qui remplit toutes les conditions?

Immobilier résidentiel — Le vendeur peut-il refuser une offre d’achat qui remplit toutes les conditions?

Même si cela contredit les réflexes de base de tout juriste, la réponse est oui. En effet, en matière d’immobilier résidentiel, la loi prévoit un mécanisme qui, à première vue, semble déroger au principe du consensualisme (contrat formé par l’accord de volontés, offre et acceptation), en accordant au vendeur le loisir de refuser une offre d’achat conforme aux conditions édictées par le vendeur. En fait, il n’y a pas de dérogation au principe du consensualisme, du moment que l’on considère que la fiche descriptive n’est pas une offre de vente, mais plutôt une invitation à soumettre une offre d’achat.

La question de savoir si la fiche descriptive est, ou non, une offre générale de contracter, est une question qui fut un temps controversée. L’article 118 du nouveau Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité prévoit ceci, quant à la fiche descriptive :

« 118. Quel qu’en soit le support, toute fiche descriptive ou document similaire, destiné au public, qui décrit un immeuble faisant l’objet d’un contrat de courtage, doit indiquer: (…) 5° lorsque le contrat de courtage vise la vente de l’immeuble, une mention que le document ou la fiche ne constitue pas une offre ou une promesse pouvant lier le vendeur, mais qu’il constitue une invitation à soumettre de telles offres ou promesses; (…) »

Le bulletin d’information 8463 publié sur le site de l’OACIQ explique ce qui est à l’origine de cette clause. Cet article soulève un autre point important, c’est-à-dire l’impact de la possibilité, pour le vendeur, de refuser une offre d’achat conforme à la fiche descriptive, en cas de promesses d’achat multiples. En effet, ceci pourrait permettre à un vendeur de préférer une promesse d’achat à un prix supérieur à celui inscrit alors qu’il reçoit simultanément une promesse au prix demandé et conforme aux exigences du contrat de courtage.

C’est donc à cause d’un arrêt de la Cour d’appel de 2004 (Royal Lepage des Moulins inc. c. Baril et al, CA, 8 mars 2004) que l’article 118 existe. Cette affaire concernait l’obligation du vendeur ayant refusé une promesse d’achat au prix demandé d’indemniser le courtier qui a fait son travail et qui lui a apporté une promesse d’achat pour le prix demandé.

Quoi qu’il en soit, la Cour d’appel, dans un arrêt de 2010 (Lavoie c. Bernier (Succession de) et al., 2010 QCCA 342 (23 février 2010)), a statué que la fiche descriptive n’est pas une offre générale de contracter. Cette affaire portait sur les droits et obligations du vendeur en présence d’une offre conforme au prix demandé, et d’une autre, plus élevée.

Si, entre le vendeur et l’acheteur, le principe est désormais clair et permet au vendeur de ne pas accepter une offre d’achat, même si elle reprend en tous points les termes de la fiche descriptive, cela ne veut pas dire pour autant que le vendeur n’aura pas à payer la commission au courtier. En effet, si le vendeur refuse une offre d’achat qui répond à ses exigences, telles qu’énoncées dans le contrat de courtage, le courtier aura-t-il droit à sa commission quand même?

La Cour d’appel indique que oui, dans l’affaire Lavoie, ce qui est conforme à l’arrêt Baril, dans lequel la Cour d’appel a statué que « décider autrement signifierait que le paiement de la commission de l’agent immobilier, dans le cadre de la clause contractuelle citée plus haut, dépendrait d’une condition purement potestative de la part de l’intimée (art. 1500 C.c.Q.).» Cet article se lit comme suit :

« 1500. L’obligation dont la naissance dépend d’une condition qui relève de la seule discrétion du débiteur est nulle; mais, si la condition consiste à faire ou à ne pas faire quelque chose, quoique cela relève de sa discrétion, l’obligation est valable. »

Rappelons que la Cour d’appel n’avait pas, dans les affaires citées ici, à se prononcer sur la validité d’une réserve, dans le contrat de courtage, selon laquelle le vendeur n’aurait pas à payer de commission au courtier, advenant que le vendeur décidait de ne pas accepter une offre d’achat conforme aux exigences du vendeur. ***

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