Il y un an de cela, presque jour pour jour, la Loi sur les biens non réclamés était adoptée par l’Assemblée nationale, dans l’indifférence du monde juridique et des affaires. Cette absence d’intérêt se comprend aisément par le fait que les principales dispositions de cette nouvelle loi ne sont, pour reprendre une expression populaire, qu’un copier/coller de certaines dispositions de la Loi sur le curateur public. Pourtant, cette loi mérite à notre avis l’attention des administrateurs, des dirigeants et des juristes, et étonne par certaines de ses dispositions qui sont, après analyse, exorbitantes du droit commun.

L’objet de cette loi est de « favoriser la récupération par leurs ayant droit des biens non réclamés et d’assurer la remise à l’État des biens sans maître ou dont les ayants droit demeurent inconnus ou introuvables ». Pour ce faire, le débiteur ou le détenteur d’un bien non réclamé a l’obligation de remettre ce bien au ministre du Revenu, suite à l’envoi d’un avis à son ayant droit, s’il n’est pas réclamé. La loi prévoit également diverses obligations aux débiteurs ou détenteurs d’un tel bien et des pénalités et intérêts en cas de défaut.

Or, qu’est-ce qu’un bien non réclamé? L’article 3 fait une liste exhaustive de ces biens considérés non réclamés aux fins de la loi, lesquels intéressent principalement certains acteurs biens précis et sont donc, pour la plupart des sociétés par actions, sans véritable intérêt. Cependant, le paragraphe 3 de ce même article mentionne :

3° les sommes payables en cas de remboursement ou de rachat de titres d’emprunt ou d’actions, parts ou autres formes de participation dans une personne morale, une société ou une fiducie, de même que les intérêts, dividendes ou autres revenus, y compris les ristournes, qui se rattachent à ces titres ou formes de participation, lorsque ces sommes ou revenus n’ont fait l’objet de la part de l’ayant droit d’aucune réclamation, opération ou instruction quant à leur utilisation dans les trois ans qui suivent la date de leur exigibilité;

C’est donc dire qu’une société par actions qui détient, par exemple, des dividendes déclarés il y a de cela plus de 3 ans* et n’ayant jamais été versées à l’actionnaire y ayant droit, devra, après avoir avisé celui-ci, remettre ces sommes au ministre du Revenu et ce, même si le recours de cet actionnaire pour en réclamer le paiement serait prescrit. Ces sommes ne sont pas acquises à la société tel que l’on aurait pu le croire.

D’un point de vue juridique, ce qui étonne, à notre avis, est le fait que cet ayant droit, c’est-à-dire l’actionnaire dans notre exemple, pourra, sauf exception, réclamer en tout temps son bien auprès du ministre, sans égard à la prescription. On peut donc se demander si, d’une façon indirecte, l’ayant droit n’échappe pas ainsi au régime habituel, pouvant toujours prétendre détenir des droits à l’égard d’un bien malgré le fait que sa réclamation envers la société puisse être prescrite. Le législateur aurait donc créé, d’une certaine façon, un régime particulier pour ces biens visés par la loi à l’égard de la prescription.
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*ou depuis plus de 3 ans suivant la date prévue pour leur versement dans la mesure où celle-ci est postérieure à leur déclaration.

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