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Un profit de 475 000$ en une seule journée

Il y a quelques semaines, dans La Presse, j’ai lu un article assez surprenant. Vous en avez peut-être entendu parler, il s’agit de l’article portant sur un achat d’une propriété revendue le jour même avec un profit substantiel.

Je dois immédiatement vous dire que je ne tiens jamais pour acquis les faits énoncés dans un journal, même si parfois c’est difficile. Par conséquent, ce texte ne se veut pas un commentaire sur la situation réelle, mais plutôt sur la situation telle qu’énoncée par le journaliste.

L’anecdote relatée est assez simple. Un agent immobilier contacte deux (2) agriculteurs d’âge avancé afin de leur offrir ses services pour vendre leur terre agricole. En décembre 2010, une offre d’achat est signée entre ces deux (2) vendeurs et une compagnie à numéro contrôlée par un notaire. L’offre d’achat prévoit que la terre est achetée pour 1.8 million. La compagnie à numéro accepte ensuite une offre d’achat pour un prix de 2.275 millions par d’autres acheteurs, par l’entremise du même agent immobilier.

Au mois d’août 2011, les agriculteurs, le notaire et les nouveaux acheteurs se retrouvent tous dans le bureau du notaire. Ce n’est pas lui qui officialise la vente, mais un de ses collègues du même bureau. Une première vente est signée entre les agriculteurs et la compagnie à numéro du notaire, et une deuxième vente intervient entre cette dernière et les nouveaux acheteurs. La compagnie à numéro a empoché un profit de 475 000 $ durant cette seule journée.

Étonnamment, personne ne s’en plaint. Les agriculteurs sont contents du montant reçu et les nouveaux acheteurs sont contents du prix payé. Certes, ils ont été surpris de la situation, mais ils ne veulent pas faire d’histoires.

Je me suis tout de même posé la question : à première vue, y a-t-il quelque chose de répréhensible dans cette histoire? Mon premier réflexe a été de penser au « flip immobilier ». Récemment, sur ce blogue, j’ai lu un texte sur le  «flip d’actifs», mais il ne s’agit pas du tout de la même chose.

Il n’y a pas qu’une seule définition du « flip immobilier ». D’ailleurs, le « flip immobilier » n’est pas toujours répréhensible. Vous connaissez peut-être l’émission de télévision américaine « Flip that House ». La façon de procéder dans cette émission est tout à fait correcte. Un promoteur immobilier achète une propriété en mauvais état, la plupart du temps, à un moindre prix ou même pour une bouchée de pain. Ce même promoteur investit alors dans la rénovation de l’immeuble et revend la propriété le plus rapidement possible avec le plus gros profit possible. Il n’y a rien à redire sur cette façon de faire.

Ce qui est constitue généralement un « flip » répréhensible, c’est une succession de ventes rapides d’un immeuble, dont le prix augmente à chaque transaction, mais aussi et surtout, la valeur du prêt hypothécaire. Le prêt hypothécaire accordé pour la dernière vente couvre parfois plus que le prix d’achat de la première vente, ce faisant, il ne reste, dans les faits, aucune réelle équité dans la propriété. Une version encore plus complète du « flip immobilier » répréhensible, c’est l’utilisation de compagnies tablettes utilisées comme prête-noms dans les ventes successives et qui n’hésitent pas à laisser les prêts en défaut, provoquant ainsi des pertes importantes pour les institutions prêteuses.

Ici, nous retrouvons certainement l’aspect ventes rapides et successives, mais pas de problème, à tout le moins connu, au niveau des prêts hypothécaires. Il ne m’apparait donc pas, à première vue, qu’il s’agit d’un cas de « flip immobilier » répréhensible.

Les deux (2) agriculteurs ne seraient pas pour autant sans recours. En effet, d’autres dispositions du Code civil du Québec pourraient s’appliquer à leur cas, par exemple la notion de l’enrichissement injustifié qui prévoit qu’une personne ne peut s’enrichir aux dépens d’autrui, s’il n’existe aucune justification à l’enrichissement (article 1493 et suivants du C.c.Q.).

Il y a également la possibilité que le notaire et l’agent immobilier aient enfreint certaines règles déontologiques. La chambre des notaires et l’OACIQ ont été contactés par le journaliste de La Presse, et dans les deux cas, les organismes ont refusé d’émettre des commentaires.

Quoi qu’il en soit, une enquête sur ce dossier serait certainement utile, à tous le moins, pour faire la lumière sur ce genre de procéder.

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