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Timminco et les paiements d’équilibre

Voici la suite de mon dernier blogue. En vertu du droit québécois, les créances résultant de paiements d’équilibre non versés et le déficit actuariel d’un régime de pension à prestations déterminées bénéficient-elles d’une priorité sur la créance d’un créancier hypothécaire préalablement inscrit dans le cadre de l’application de la LACC?

J’analyse la réponse de l’Honorable Robert Mongeon de la Cour supérieure du Québec dans le dossier Timminco.

Le juge donne raison aux pensionnés pour les paiements d’équilibre qui avaient été suspendus par l’ordonnance initiale, mais rejette leur demande pour le déficit actuariel qui résulte de la terminaison des deux régimes en cause. Le contrôleur a déposé une requête pour permission d’en appeler en Cour d’appel du Québec  et attend des instructions de la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour déterminer s’il a l’intérêt juridique pour procéder sur cet appel.

La priorité est réclamée en vertu l’article 49 de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite L.R.Q. c R-15.1 (LRCR) qui se lit : « Jusqu’à leur versement à la caisse de retraite ou à l’assureur, les cotisations et les intérêts accumulés sont réputés détenus en fiducie par l’employeur, que ce dernier les ait ou non gardés séparément de ses biens. ».

À la lumière de la décision de la Cour suprême du Canada dans Indalex, on doit reconnaitre que rien dans la LACC ne vient modifier les priorités du droit provincial. En effet, la LACC ne contient pas de définition de « biens » qui exclurait uniquement les biens sujets à une fiducie réelle et qui rendrait ainsi les « biens » sujets à un ordre de collocation fédéral. La LACC ne contient pas plus d’ordre de collocation, de sorte que la théorie de « paramountcy » du droit fédéral n’a pas d’application. La réponse sera donc différente en cas d’application de la LFI. Dans ce cas, les montants réclamés en vertu de la LRCR n’auront que la priorité établie par la LFI.

Il s’agit donc d’une fiducie réputée simple, qui reprend la formule non-améliorée des anciennes fiducies réputées fiscales. Or, la Cour suprême du Canada a jugé dans Banque royale c. Sparrow Electric qu’une telle fiducie réputée simple ne pouvait conférer une priorité sur les sûretés existantes des créanciers. En effet, lorsque les cotisations sont devenues en défaut de versement et que la fiducie est née, les biens de Timminco étaient déjà sujets aux droits hypothécaires d’Investissement Québec. Or, rien dans la LRCR ne confère une priorité à la fiducie réputée. Ce raisonnement n’était pas fondé sur un ordre de collocation et donnait aux sûretés de droit provincial leurs effets normaux, dont le droit de suite.

De toutes façons, comme les cotisations n’ont pas été tenues séparées on peut se demander comment les cotisations et les intérêts accumulés peuvent être « réputés détenus en fiducie ». Il manque les mots magiques : « les biens de l’employeur » et « un montant équivalent à ». Disons que l’art. 49 n’est pas un exemple de rédaction législative. Pour la même raison, les « cotisations » non-identifiées ne peuvent pas être incessibles et insaisissables. La LRCR n’étend pas cette insaisissabilité aux biens de l’employeur. Toutefois, le juge Mongeon a décidé que les biens de Timminco, pour un montant équivalent aux paiements d’équilibre non versés et aux intérêts, étaient sujets à la fiducie réputée et insaisissables, donc non-susceptibles d’être hypothéqués. En conséquence, le fonds de pension a priorité sur Investissement Québec. 

La question est très complexe et méritera une analyse du pavé rigoureux de 54 pages que le Juge Mongeon a jeté dans la marre du Merveilleux Monde de l’Insolvabilité©. Maintenant que le problème est identifié, selon les circonstances de chaque dossier et les montants en cause,  les praticiens devront choisir si la LFI ou la LACC est la voie à suivre.

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