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Ne jamais vendre la demie indivise de la peau de l’ours

On dit souvent qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Ni vendre l’épave du Costa Concordia avant de l’avoir touée. 

Oui oui, c’est un verbe « touer ». Mais, dans le Merveilleux Monde de l’Insolvabilité™, on dit qu’il ne faut jamais vendre la demie indivise de la peau de l’ours, ou de quoi que ce soit pour la même raison, avant de faire faillite.

Un bel exemple des problèmes engendrés par le non-respect de cette règle d’or se trouve dans un jugement récent de l’Honorable Martin Castonguay, J.c.s. La décision Tiraloche (syndic de) 2012 QCCS 386 est un cas classique de préférence et transaction révisable entre conjoints.

Huit ou neuf  mois avant de faire faillite en 2009, Mme Tiraloche vend pour 1$ la demie indivise (d’où le titre de ce blogue!) d’un immeuble au copropriétaire, son conjoint au moment de la transaction. Il y a alors de l’équité dans l’immeuble acquis en 2006. Le conjoint hypothèque tout de suite l’immeuble en faveur d’institutions financières pour des montants qui excédent la valeur de celui-ci. Il prétend remettre 20 000$ à Mme Tiraloche pour la désintéresser, ce qui ne sera pas prouvé.

Le tribunal constate que la demande principale d’inopposabilité serait sans effet en raison des hypothèques qui grèvent l’immeuble à la date de l’audition. Quant à la demande subsidiaire de condamner le conjoint (maintenant devenu un ex-conjoint) à la différence entre la contrepartie payée (1$) et la juste valeur du marché en vertu de l’article 100 LFI (avant la réforme du 18 septembre 2009),  le tribunal retient la preuve de l’évaluation municipale de 2007 et fixe la différence  à 47 750$ pour la demie indivise, montant que l’ex-conjoint est condamné à payer au syndic.

Que serait-il arrivé si les conjoints avaient attendu la faillite sans faire de transaction révisable au préalable? J’ignore si le couple aurait tout de même divorcé, mais le syndic n’aurait pas eu autant de facilité à profiter de l’équité dans l’immeuble.

En effet, les règles du droit civil québécois empêchent au syndic de disposer d’autre chose que de la demie indivise. Or, il n’y a pas de marché pour une demie indivise d’une immeuble souvent occupé par un ou deux des copropriétaires. Le syndic n’a pas non plus le droit de provoquer le partage selon la jurisprudence, il a donc peu d’outils si le créancier hypothécaire réalise son hypothèque et revend l’immeuble au copropriétaire. C’est ce qui arrive très souvent en cas de faillite d’un seul copropriétaire.

La morale : ne jamais vendre une demie indivise d’un bien avant la faillite pour transformer un droit précaire ou aléatoire du syndic en un bon recours contre la personne que le failli voulait avantager.

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