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Les clauses pénales sont-elles vraiment utiles dans un contrat de franchise?

Plusieurs avocats et notaires appelés à rédiger un contrat de franchise hésitent à y stipuler des pénalités.

Les clauses pénales font souvent peur aux futurs franchisés et rendent le contrat plus difficile à faire accepter et à négocier.

Vaut-il vraiment la peine de les inclure au contrat?

Protègent-elles vraiment le franchiseur?

À mon avis, elles peuvent vraiment le protéger et lui être utiles.

Lorsque bien rédigées, elles constituent selon moi un excellent outil de gestion du risque et de dissuasion face à un franchisé qui envisagerait l’opportunité de contrevenir à ses engagements.

Un contrat de franchise se démarque de plusieurs autres types de contrats par le nombre, et l’importance, des engagements de faire et de ne pas faire que l’on y retrouve.

À défaut de clause pénale, le franchiseur aura, selon le Code civil du Québec, deux recours en cas de contravention par un franchisé à un tel engagement, (a) un recours en injonction pour le contraindre à respecter le contrat ou à cesser de poser des gestes allant à l’encontre de ses obligations, et (b) un recours en dommages en réparation des pertes causées par une telle contravention.

Notamment dans le cas de défauts à des engagements de confidentialité, de non-concurrence et de droit de premier refus, ainsi qu’en matière de protection des renseignements confidentiels et des droits de propriété intellectuelle, il est souvent difficile d’obtenir (surtout rapidement) des injonctions et des ordonnances efficaces pour assurer une protection adéquate des droits d’un franchiseur.

D’autre part, il s’agit aussi là d’engagements pour lesquels le franchiseur pourra avoir de la difficulté à prouver les dommages directs et prévisibles (lesquels, selon la loi, sont, sauf dans de rares cas, les seuls pouvant être compensés par voie judiciaire) subis en cas de contravention.

Par exemple, prenons le cas d’un ex-franchisé qui décide de faire fi de ses engagements de non-concurrence en continuant à exploiter un établissement similaire dans le même local que sa franchise? Comment le franchiseur, qui n’a alors plus de points de vente à cet endroit (puisque son seul point de vente dans ce marché était celui exploité par l’ex-franchisé), pourra-t-il évaluer, et surtout prouver à un tribunal, les dommages directs subis en raison de cette contravention?

Aussi, comment un franchiseur peut-il évaluer les dommages directs subis dans le cas d’un franchisé qui a divulgué à un concurrent des normes d’exploitation confidentielles du réseau?

Les clauses pénales sont d’abord là pour régler cette difficulté en établissant, dans le contrat même, des montants que le franchisé s’engage à payer dans de tels cas.

Mais leur rôle le plus important n’est pas celui-là.

Le but premier des clauses pénales en est un de dissuasion.

Lorsqu’un franchisé envisage de contrevenir à une clause du contrat, il évaluera souvent cette possibilité en fonction des conséquences prévisibles d’un tel défaut.

La gravité des conséquences prévisibles, de même que la probabilité que le franchisé ait à les subir, seront donc des facteurs importants dans sa décision de contrevenir, ou de ne pas contrevenir à son engagement.

Une clause pénale bien rédigée viendra jouer sur ces deux facteurs et contribuera à rendre plus difficile toute décision d’aller à l’encontre du contrat

Il faut cependant se rappeler qu’un tribunal a toujours le droit de réduire (mais ne peut en aucun cas augmenter) une pénalité stipulée à un contrat, d’où l’importance de bien la calibrer afin d’en obtenir le plein effet dissuasif sans qu’elle ne soit perçue comme démesurée ou exorbitante (ce qui en diminuerait l’effet dissuasif en raison de la quasi-certitude qu’un tribunal la réduira de façon importante).

TROIS CONSEILS PRATIQUES :

  • Assurez-vous d’être bien à jour avec la doctrine et la jurisprudence en matière de clauses pénales avant d’en entreprendre la rédaction dans un contrat de franchise:

La décision d’inclure une clause pénale dans un contrat, le choix des clauses du contrat de franchise qui devraient être assujetties à une clause pénale ainsi que la détermination (et le mode de calcul) d’une pénalité adéquate (dissuasive sans être exorbitante) sont des décisions délicates qui exigent de leur rédacteur de se tenir familier, et à jour, avec la doctrine et la jurisprudence (qui est en constante évolution) en matière de clauses pénales.

Il est très risqué pour un juriste non familier avec les règles et exigences légales en matière de clauses pénales de tenter de rédiger de telles clauses, d’autant plus que ce risque ne se manifestera que trop tard (puisque les déficiences et les faiblesses de cette clause ne se matérialiseront qu’après qu’un défaut aura été commis).

  • Faites bien attention à la pénalité calculée par jour : elle recèle souvent un piège important :

Plusieurs contrats stipulent une pénalité calculée par jour que se poursuit un défaut.

Bien qu’une telle pénalité convienne pour certains engagements (par exemple, pour une clause de non-concurrence), ce n’est pas le cas pour d’autres dont l’impact d’un défaut ne dépend pas de sa durée comme, à titre d’exemple, une contravention à un engagement de confidentialité (un franchisé pouvant très bien remettre à un concurrent, à l’intérieur d’une seule journée, la totalité du manuel d’exploitation, des programmes et des projets publicitaires et promotionnels de son franchiseur) ou à un droit de premier en faveur du franchiseur (la vente de l’entreprise du franchisé faite en contravention à un tel droit se réalisant aussi à l’intérieur d’une seule journée).

  • Le montant de votre pénalité devrait excéder (mais pas trop) tout profit ou gain potentiel que le franchisé peut espérer obtenir de son défaut :

Une façon de maximiser l’effet dissuasif d’une clause pénale consiste à établir la pénalité à un montant qui dépasse tout profit ou gain potentiel que le franchisé peut espérer obtenir de son défaut.

Si le franchisé estime que son profit ou gain potentiel d’un défaut dépasse le montant de la pénalité, celle-ci peut devenir un « ticket à l’entrée » que le franchisé sera prêt à payer, alors que, plus la pénalité est élevée, plus grand sera le risque qu’elle soit réduite par un tribunal.

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Jean

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