Il y a quelques semaines, j’étais passé du boulwarisme à Fred la mitraille; cette semaine, je passe des rêveurs à un petit survol tout simple des plus récents développements à la Commission des relations du travail (appelons-ça le DJ Fred Jam Session). Personne ne pourra m’accuser de ne pas travailler très fort pour combattre la routine 🙂

Syndicat des employés manuels de la Ville de Québec, section locale 1638 (SCFP) c. Ville de Québec (2012 QCCRT 0198 – décision du 26 avril 2012)

Il s’agit de la décision par le truchement de laquelle la Commission a décidé de déclarer la mise à pied intempestive de 162 salariés auxiliaires de la Ville de Québec illégale et ce, essentiellement parce qu’elle a considéré que ladite mise à pied était véritablement un lock-out. A priori, c’est une décision passablement straight forward de la commissaire Anne Parent qui me semble peu susceptible de générer des débats. Elle a cependant une particularité : il s’agit de l’une des premières décisions rendues par la Commission depuis qu’elle assume la juridiction du Conseil des services essentiels et de la première comportant une analyse simultanée des dispositions 111.x (i.e. services essentiels) et 13, 14, 118 et 119 (i.e. relations du travail traditionnelles). Or, même si la décision ne traite pas explicitement de cette particularité (ou, précisément, parce qu’elle ne traite pas d’elle), on peut facilement constater la fluidité avec laquelle la commissaire combine les deux régimes. Pour le praticien, cela semble être une excellente nouvelle puisque le libellé du paragraphe introductif de l’article 119 du Code avait généré, en raison de quelques décisions de la Commission (voir notamment Montréal (Ville de) et Association des pompiers de Montréal inc., 2003 QCCRT 0190), un conflit/vide juridictionnel dans le domaine. Espérons que le fait d’avoir regroupé l’essentiel des fonctions des deux organismes permettra de trouver une solution pratique à ce problème qui laissait certains employeurs du secteur public sans recours lors de moyens de pression n’équivalant pas à une grève.

Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 197 (SCEP) c. Jubilant Draximage inc. (2012 QCCRT 0187 – décision du 18 avril 2012)

Il s’agit d’une décision rejetant une plainte de négociation de mauvaise foi formulée à l’encontre d’un employeur. Une fois encore, la décision est straight forward et peu sujette à controverse, mais je voulais la porter à votre attention parce que la négociation (i.e. la façon de négocier) semble lentement se dessiner comme l’un des grands enjeux en relations de travail au cours des prochaines années et, dans un tel contexte, il est bien de suivre les développements jurisprudentiels dès le début. D’ailleurs (et même si les faits dans cette affaire ne favorisaient clairement pas le syndicat), la décision comporte plusieurs énoncés de principe susceptibles d’intéresser les négociateurs et leurs clients.

LKQ Pintendre Autos inc. c. Commission de l’équité salariale (2012 QCCRT 0183 – décision du 16 avril 2012)

Compte tenu du peu de décisions émanant de la Commission des relations du travail en matière d’équité salariale, il est toujours opportun de souligner celles qui sont rendues de temps à autre. Celle-ci traite notamment de prescription et, dans l’ensemble, je crois que son passage le plus important est le suivant :

[45] Mentionnons cependant que la CÉS intervient au dossier pour souligner que la plainte serait, en quelque sorte, imprescriptible, puisque l’employeur n’a pu établir que l’affichage des résultats en 2001 était conforme aux prescriptions de l’article 75 de la Loi. Selon cet argument, une plainte liée à un tel affichage ne serait soumise à aucun délai de prescription et pourrait être déposée en tout temps.

[46] Sans se prononcer sur la légalité de l’affichage, ni sur l’impossibilité pour l’employeur de faire une preuve complète compte tenu de l’écoulement du temps, la Commission ne retient pas cet argument qui ne s’appuie sur aucune disposition de la Loi et qu’aucun précédent ne semble reconnaître.

Suivi des litiges en révision judiciaire : Sondarjée c. Caisse Desjardins de l’Est de Sherbrooke (2011 QCCRT 0253), Union des artistes c. Festival international de Jazz de Montréal inc. (2010 QCCRT 0523) et Ong c. Université McGill (2010 QCCRT 0440)

La première (Sondarjée) est, a priori, une simple décision sur un congédiement administratif motivé par la décision d’un tiers (i.e. l’employeur met fin à l’emploi d’un salarié parce qu’il n’est plus assurable, l’assureur jugeant qu’il a commis un vol durant une fête de Noël). La décision elle-même n’est pas remarquable et la décision en révision judiciaire semblait relativement solide, mais je comprends que la Cour d’appel a récemment autorisé un appel dans cette affaire. Il sera donc intéressant de suivre ce dossier puisqu’on peut présumer que la Cour a vu dans ce dossier une question plus philosophique (peut être la faible nuance entre un congédiement administratif et un congédiement disciplinaire dans un tel genre de dossier, auquel cas la décision de la Cour d’appel pourrait être importante).

La seconde (UDA) est une décision cardinale dans le domaine particulier des relations entre producteurs et artistes et ce, surtout parce qu’elle constitue un énoncé clair des principes régissant la notion de « producteur » (la question, dans ce dossier, était de savoir si le Festival (généralement considéré comme un diffuseur dans le milieu) devait également être considéré comme un producteur). Il est intéressant de voir qu’elle a été endossée de façon convaincante par le Cour supérieure dans un jugement rendu le 26 avril 2012 (voir 2012 QCCS 1733).

La dernière (Ong) avait fait beaucoup jaser lorsqu’elle a été rendue. Il s’agit d’une décision où la Commission impose des règles très strictes pour qu’un recours privé soit considéré comme étant équivalent à un recours sous l’article 124 de la Loi sur les normes du travail (dans cette affaire, c’est la non-gratuité des services du décideur qui posait problème). En fait, ces règles sont si strictes qu’il devient pratiquement impossible de mettre sur pied une telle procédure (et de dessaisir la Commission d’un litige potentiel). Nous aurions cru que la Cour supérieure accepterait de réviser cette décision (qui, au-delà de la simple analyse de l’article 124 LNT, soulève des questions de compétence très importantes), mais ce ne fut pas le cas. Heureusement, le dossier est désormais devant la Cour d’appel (la permission d’en appeler ayant été accordée récemment) et il sera essentiel de suivre cette affaire pour savoir si les instances privées mises sur pied par plusieurs institutions (notamment universitaires) demeurent utiles.

Sur ce, je vous souhaite une bonne semaine.

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