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Le bulletin de paie du 21e siècle (ajout)

Je dois vous parler de la surprenante (et possiblement importante) décision de la Commission des relations du travail dans le litige opposant les syndicats de la fonction publique et le Gouvernement du Québec relativement au renouvellement des conventions collectives en 2005 (la décision est ici et, simplement, elle dit que le Gouvernement a négocié de mauvaise foi en s’imposant un cadre monétaire strict dans le cadre de ces négociations… ce qui est, comment dire, encore passablement moins drastique que les propositions formulées récemment par la CAQ eu égard aux conventions collectives des omnipraticiens et des professeurs). J’aimerais aussi vous glisser un mot sur la décision de la Cour d’appel dans l’affaire THQ Montréal (la décision est ici et, en bref, elle rappelle que la sollicitation agressive des employés d’un compétiteur n’est pas illégale). Mais, pour paraphraser Émile-Auguste Chartier, «les temps sont courts à celui qui pense, […] interminables à celui qui désire» et comptés à celui qui vit au rythme des heures facturables… Je reviendrai donc sur ces sujets lundi prochain.

Dans l’intervalle, je voulais porter à votre attention une très récente décision de l’arbitre Louise Viau (la décision est datée du 6 février 2012 et elle n’est pas encore disponible sur Internet puisqu’elle n’est pas encore disponible sur les sites Internet traditionnels, je me permets de la joindre au présent billet pour votre bénéfice – il suffit de cliquer ici) dans un dossier opposant les Teamsters et L’Oréal Canada inc. et concernant le droit d’un employeur de remettre à son personnel un bulletin de paie électronique (et seulement électronique). Curieusement, il s’agit de la première décision rendue au Québec sur la question et, puisque la remise d’un bulletin de paie électronique est une pratique répandue dans les entreprises, je me suis dit qu’elle pourrait vous intéresser.

En un mot, disons simplement que la réponse fournie par l’arbitre Viau à la question à laquelle elle devait répondre (i.e. la pratique de L’Oréal est-elle valide?) est : oui.

En plusieurs mots, revenons sur les éléments les plus importants de la décision:

a) L’arbitre rejette ce qui était probablement l’argument central du syndicat et considère que la remise d’un bulletin de paie électronique ne contrevient pas à l’article 46 de la Loi sur les normes du travail, lequel prévoit notamment que : «L’employeur doit remettre au salarié, en même temps que son salaire, un bulletin de paie contenant des mentions suffisantes pour lui permettre de vérifier le calcul de son salaire.» Elle considère plutôt que, lorsque l’on considère certains facteurs (dont, notamment, l’article 2 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information), la remise du bulletin sur un support électronique est aussi valide que sa remise sur un support papier. [voir le paragraphe 46 de la décision]

b) L’arbitre considère également que le fait de rendre le bulletin disponible au salarié (par le biais d’un portail Internet sécurisé) concomitamment au dépôt électronique de sa paie constitue, moyennant certains aménagements techniques, une méthode de remise adéquate. [voir le paragraphe 124 de la décision] Je vous invite à lire avec une attention particulière les paragraphes 120 à 123 de la décision pour prendre connaissance des aménagements techniques mis en place [pour l’essentiel, la création d’un portail Internet sécurisé permettant notamment l’archivage des anciens bulletins, la mise sur pied d’un programme de formation et l’implantation de postes de travail permettant l’accès au portail sur les lieux du travail] et, dans la mesure du possible, à adopter des aménagements similaires dans vos propres entreprises si vous souhaitez remettre à vos salariés des bulletins de paie strictement électroniques.

c) Finalement, l’arbitre considère, suite à une longue analyse, que le portail Internet mis sur pied par l’employeur ne contrevient pas à l’article 10 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, lequel prévoit qu’une entreprise doit «prendre les mesures de sécurité propres à assurer la protection des renseignements personnels […] et qui sont raisonnables compte tenu, notamment, de leur sensibilité, de la finalité de leur utilisation, de leur quantité, de leur répartition et de leur support.» Je vous invite, à ce niveau également, à lire attentivement les paragraphes 139 à 149 de la décision afin d’obtenir des détails sur la nature précise dudit portail, me permettant simplement de souligner l’importance que le portail Internet soit véritablement sécurisé et que l’employeur soit capable de démontrer les efforts consacrés à sa sécurisation.

Sur ce, je vous souhaite une excellente fin de semaine et un très bon week-end.

P.S. Je tiens à féliciter mon associé, Me Rhéaume Perreault, cria, et ma collègue, Me Isabelle Marin, lesquels ont représentés avec brio L’Oréal dans cette affaire et ont eu la gentillesse de porter cette décision à mon attention.

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