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La possibilité d’un appel de l’autorisation de certains recours collectifs en matière de valeurs mobilières

En 2007, lorsque le législateur québécois a amendé la Loi sur les valeurs mobilières pour donner aux acquéreurs secondaires un recours direct simplifié contre la compagnie émettrice, que ce soit par voie de recours individuel ou collectif, plusieurs ont prédis une explosion des recours collectifs dans le domaine. Celle-ci n’a pas eu lieu (pas encore du moins), mais la première requête en autorisation déposée en vertu de cette loi nous aura donnée une décision très intéressante dont je traiterais en deux temps. En effet, cette semaine nous discuterons du volet de l’affaire Teratechnologies inc. c. 121851 Canada inc. (2013 QCCA 1256) pour lequel la Cour d’appel en vient à la conclusion qu’il est possible de demander la permission d’en appeler du jugement d’autorisation (contrairement à la situation qui prévaut normalement en matière de recours collectif). La semaine prochaine, nous discuterons du fardeau différent en matière d’autorisation pour les recours intentés en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières.

Saisi de la première demande d’autorisation d’exercer un recours collectif en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, l’Honorable juge Marc-André Blanchard en vient à la conclusion que le recours doit être autorisé. Les Appelants, d’avis qu’il s’agit d’un jugement interlocutoire qui est appelable sur permission en vertu des articles 29 et 511 C.p.c., demandent une telle permission.

La question étant nouvelle, elle est déférée à un banc complet de la Cour pour qu’il décide de la question de l’autorisation et, le cas échéant, de l’appel au fond. C’est l’Honorable juge Clément Gascon qui rend jugement au nom de la Cour.

Après avoir analysé le cadre législatif pertinent, le juge Gascon en vient à la conclusion qu’il est effectivement possible de demander la permission d’en appeler d’un jugement autorisant un recours collectif en vertu de la LVM. Contrairement au Code de procédure civile qui interdit spécifiquement l’appel d’un jugement autorisant un recours collectif (art. 1010 C.p.c.), la LVM ne contient aucune telle disposition. Pour le juge Gascon, une telle absence alors que le législateur était sans aucun doute bien conscient de la question est révélateur quant à son intention.

D’ailleurs, ajoute le juge Gascon, tout autre résultat serait incohérent puisque le même article de la LVM ouvre la porte aux recours personnels et aux recours collectifs. Prétendre que les premiers sont sujets à appel sur permission comme toute autre recours, alors que les deuxièmes sont assujettis à l’article 1010 C.p.c. ne cadre pas:

[73] La LVM ne prévoit pas de droit d’appel du jugement d’autorisation requis à l’art. 225.4. Toutefois, elle ne l’interdit pas. Or, lorsque le législateur québécois veut interdire un droit d’appel à la LVM, il le dit expressément. L’art. 37 LVM en témoigne[19].

[74] De même, lorsque le législateur québécois choisit d’interdire le droit d’appel d’un jugement d’autorisation d’intenter un recours, il s’exprime tout aussi clairement. Là encore, l’art. 1010 al. 2 C.p.c., en témoigne.

[75] Que le législateur québécois ait choisi de ne pas le faire à l’art. 225.4 LVM alors qu’il connaît immanquablement cette réalité est, à mon avis, révélateur de ses intentions.

[76] Contrairement à ce que plaide l’intimée, j’estime qu’on ne peut présumer du silence du législateur une négation du droit d’appel. Je ne lis pas non plus une telle négation dans le seul fait que l’action en dommages autorisée sous l’art. 225.4 LVM doit être déposée dans les trois mois (art. 225.6), avec publication d’un communiqué sans délai et avis à l’Autorité des marchés financiers dans les sept jours (art. 225.5).

[77] Je crois plutôt qu’il faut alors s’en remettre à la règle générale prévue en matière d’appel d’un jugement interlocutoire, soit celle des art. 29 et 511 C.p.c.

[…]

[79] L’argument central qu’oppose l’intimée sur ce point ne résiste pas à l’analyse. Sa prétention voulant qu’il y ait lieu d’appliquer par analogie l’art. 1010 al. 2 C.p.c., puisqu’on se trouve dans un contexte de recours collectif, mène, avec égards, à un résultat incongru voire illogique.

[80] En effet, l’action en dommages prévue à l’art. 225.4 LVM peut s’intenter soit par voie de recours individuel, soit par voie de recours collectif. Si l’on retenait la prétention de l’intimée, il y aurait absence de droit d’appel lorsque le jugement d’autorisation de l’art. 225.4 est rendu dans le cadre d’une action en dommages intentée par voie de recours collectif, mais existence d’un droit d’appel lorsque l’action procède par voie de recours individuel.

[81] Il serait étonnant que le législateur ait voulu un tel résultat, particulièrement dans un contexte où les débats parlementaires confirment que l’on était bien conscient que le recours collectif serait le moyen privilégié pour faire valoir l’action en dommages établie par le nouveau régime.

La semaine prochaine nous parlerons de la décision de la Cour quant au fardeau qui pèse sur le requérant en autorisation dans un tel recours.

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