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La clause de renouvellement automatique: un frein à la résiliation sans cause?

Récemment, la Cour d’appel a rendu une importante décision sur les effets d’une clause de renouvellement automatique dans un contrat d’affiliation. Cette affaire suscite une réflexion intéressante quant à la possibilité pour certains contrats à durée déterminée, assortis d’une clause de renouvellement automatique, de perdurer selon la volonté de la partie en faveur de qui cette clause a été prévue.

La clause de renouvellement en question se lit comme suit:

10. DURÉE

Nonobstant toutes dispositions écrites ou verbales contraires, la présente convention débutera le jour de sa signature et demeurera en vigueur pour une période de soixante (60) mois ou pour une période égale à la durée du bail du local où est située la pharmacie. LE MEMBRE devra, six (6) mois avant l’expiration de la convention, faire signifier à LA COMPAGNIE son intention de quitter LA COMPAGNIE ou de renouveler la convention;

À défaut par LE MEMBRE d’envoyer l’avis prescrit par poste recommandée, la convention sera réputée renouvelée selon les termes et conditions alors en vigueur […].

Dans un jugement à deux contre une, la Cour rejette l’appel, confirmant ainsi la décision de première instance selon laquelle cette clause trouve application et renouvelant le contrat pour un terme additionnel de 5 ans.

Les parties

La «COMPAGNIE» dont il est question dans la clause précitée est l’appelante Uniprix inc. («Uniprix»). Quant au «MEMBRE», il s’agit des intimées, soit une société en nom collectif composée de deux pharmaciens (la «Société»). Uniprix en appelle du jugement de première instance donnant effet à cette clause et prolongeant le contrat d’affiliation pour une période de 5 ans.

Plus précisément, Uniprix soutient que le juge de première instance a erré en appliquant la clause de renouvellement. Elle est d’avis qu’«il n’existe pas de droit absolu au renouvellement même en présence d’une clause de renouvellement automatique ou unilatérale». Selon Uniprix, ce scénario est susceptible de «sceller un lien contractuel à perpétuité au seul gré des parties».

De son côté, la Société plaide que le contrat d’affiliation comporte une durée déterminée et qu’il n’est de ce fait pas nécessaire d’examiner les arguments se rapportant au contrat à durée indéterminée.

Les agissements d’Uniprix

En examinant les faits, la Cour remarque entre autres l’attitude d’Uniprix face à la Société. Dans les faits, Uniprix souhaite que la pharmacie exploitée par la Société change de local. Or, le contrat d’affiliation ne lui permet pas d’imposer un déménagement à ses membres. Malgré cette stipulation, elle sous-loue un local sans d’abord en informer la Société. En agissant ainsi, Uniprix tente d’empêcher la venue de bannières concurrentes dans les alentours. Cette sous-location n’est cependant pas profitable pour la Société étant donné qu’elle est propriétaire du local dans lequel elle opère la pharmacie.

Or, la Cour précise qu’en vertu du contrat d’affiliation, Uniprix doit être au service de ses membres. La Cour est toutefois d’avis qu’Uniprix n’a pas agi de la sorte en tentant de s’immiscer dans les affaires de la Société. De plus, lorsqu’elle a réalisé que la Société ne la suivrait pas dans son projet, Uniprix a tenté de mettre un terme à leur relation contractuelle, allant ainsi à l’encontre de ses engagements.

La décision

D’entrée de jeu, la Cour souligne que la clause de renouvellement est claire et n’a pas à être interprétée. De plus, elle précise que le contrat d’affiliation dont il est question a une durée déterminée de 5 ans et qu’il «s’agit d’un contrat à reconduction automatique pour un même terme, à moins d’avis contraire de la part des intimées». La Cour met également l’accent sur le fait qu’en signant ce contrat, Uniprix «reconnaissait ainsi expressément que le silence des intimées, relativement au non-renouvellement de l’entente, lie les parties pour un même terme».

Selon la Cour, le fait que la clause de renouvellement automatique soit susceptible de rendre le contrat perpétuel n’a pas pour effet de rende valide l’avis de non-renouvellement d’Uniprix. En effet, selon la doctrine, le législateur n’avait pas l’intention d’interdire que tous les types de contrats aient un caractère perpétuel. En appuyant également son raisonnement sur le principe de la liberté contractuelle, la Cour énonce ce qui suit:

[67] Le droit commun au Québec est contenu dans des lois comme le Code civil du Québec. Aucune disposition générale des obligations n’interdit spécifiquement les contrats perpétuels. La réduction de la durée de certains contrats nommés à 100 ans ou la reconnaissance d’une faculté de résiliation ne peuvent, à mon avis, équivaloir à une interdiction générale de l’existence d’un contrat perpétuel.

[…]

[69] Dans le cas bien précis qui nous occupe, l’appelante n’a pu me convaincre qu’une valeur fondamentale de la société est violée par la perpétuité de ce contrat d’affiliation. Il ne faut pas perdre de vue l’importance de préserver le principe de la liberté contractuelle.

La Cour explique également que les obligations contractuelles d’Uniprix militent en faveur de la conclusion du juge de première instance. Premièrement, Uniprix prétend agir au bénéfice des pharmaciens propriétaires. Deuxièmement, elle a pour but de promouvoir les intérêts de ces derniers. Enfin, les pharmaciens propriétaires sont également actionnaires d’Uniprix. Ce faisant, Uniprix ne pouvait agir comme elle l’a fait.

Conclusion

La Cour énonce qu’une clause de renouvellement automatique au bénéfice d’une des parties peut donner un caractère perpétuel à un contrat à durée déterminée. Cette décision rejette donc l’opinion dissidente voulant que le contrat en cause soit à durée indéterminée et selon laquelle il peut être résilié sans motif moyennant un préavis raisonnable.

 

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