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L’acquisition étrangère et le critère de l’«avantage net»

La semaine dernière, le gouvernement canadien a fait part de sa décision de bloquer l’offre d’achat de 5,2 milliards de dollars déposée par l’entreprise malaisienne Petronas visant la prise de contrôle de Progress Energy Resources Corp., une entreprise albertaine œuvrant dans le secteur des gaz naturels. Le gouvernement conservateur a jugé que cette transaction n’était pas à l’«avantage net» du Canada.

Depuis son arrivée au pouvoir, il s’agit de la troisième fois que le gouvernement conservateur, qui se présente pourtant comme un promoteur du libre marché, bloque l’acquisition d’une entreprise canadienne par un investisseur étranger.

En mai 2008, le gouvernement conservateur avait pour une première fois rejeté le projet de prise de contrôle de certaines divisions de MacDonald, Dettwiler and Associates Ltd., une entreprise œuvrant notamment dans le secteur de l’aéronautique. Par la suite, en novembre 2010, ce même gouvernement avait fait connaître par écrit ses réticences à la prise de contrôle de Potash Corporation of Saskatchewan Inc. par BHP Billiton, ce qui avait mené à l’abandon de la transaction.

Le rejet de ces transactions a été rendu possible en vertu de la Loi sur Investissement Canada (la « Loi »). L’objectif de la Loi n’est pas, à proprement parler, de limiter l’investissement étranger, mais plutôt d’ «instituer un mécanisme d’examen des investissements importants effectués au Canada par des non-Canadiens de manière à encourager les investissements au Canada et à contribuer à la croissance de l’économie et à la création d’emplois, de même qu’un mécanisme d’examen des investissements effectués au Canada par des non-Canadiens et susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale».

La Loi prévoit notamment qu’un non-Canadien qui désire prendre le contrôle d’une entreprise canadienne doit déposer une demande d’examen auprès du ministre. Le ministre aura alors la responsabilité de déterminer si la transaction est à «l’avantage net» du Canada.

La notion d’«avantage net» est assez vague. Afin d’aider le ministre dans son évaluation, la Loi prévoit que les critères suivants doivent être pris en considération lors de l’évaluation de l’«avantage net» :

  1. l’effet de l’investissement sur l’activité économique au Canada;
  2. l’étendue et l’importance de la participation de Canadiens dans l’entreprise en question;
  3. l’effet de l’investissement sur la productivité, le rendement industriel, le progrès technologique, la création de produits nouveaux et la diversité des produits au Canada;
  4. l’effet de l’investissement sur la concurrence;
  5. la compatibilité de l’investissement et des politiques nationales en matière industrielle, économique et culturelle; et
  6. la contribution de l’investissement à la compétitivité canadienne sur les marchés mondiaux.

Nous sommes d’avis que c’est à dessein que le législateur a prévu des critères larges et malléables. Ceux-ci accordent au ministre une marge de manœuvre et une latitude assez considérable. Plusieurs observateurs reprochent d’ailleurs l’incertitude à laquelle la Loi soumet les investisseurs étrangers.

Le Canada n’est pourtant pas le seul pays développé riche en ressources naturelles à agir de la sorte. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont eux aussi un processus qui laisse une importante discrétion entre les mains du pouvoir exécutif. À ce titre, un extrait d’une étude générale de la Bibliothèque du Parlement rédigée par Mathieu Frigon et s’intitulant «Le processus d’examen des investissements étrangers au Canada» souligne ce qui suit:

«[L]a discrétion est la règle plus que l’exception dans d’autres pays riches en ressources naturelles, comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Comme le Canada, ces pays s’appuient sur un processus d’examen initial et d’approbation qui accorde une grande latitude à leur gouvernement respectif en matière d’interprétation. En particulier, le gouvernement australien souligne qu’il est impossible de définir de façon bien arrêtée l’idée qu’une prise de contrôle éventuelle soit « contraire à l’intérêt national » et que cela se fait au cas par cas. Dans le règlement néo-zélandais de 2008, conserver le contrôle des infrastructures stratégiques sur des terres sensibles est l’un des critères d’évaluation de l’intérêt que présente un investissement étranger, mais la notion d’« infrastructures stratégiques » n’est pas définie.»

Malgré tout, le gouvernement conservateur doit garder à l’esprit qu’une trop grande fermeture du marché canadien risque de limiter la capacité des entreprises canadiennes à investir dans certains pays du monde.

Le critère de «l’avantage net» du Canada se doit d’être révisé et précisé. Ce critère ne répond plus aux impératifs d’une économie du 21e siècle, et surtout, donne une trop grande place à la joute politique dans un processus qui devrait être avant tout fondé sur des impératifs économiques et juridiques.

En attendant que le gouvernement clarifie les règles du jeu et rende le processus plus transparent, le juriste ne pourra que continuer de spéculer sur les éventuelles décisions du ministre dans le cadre de tentative de prise de contrôle étrangère. À ce titre, la décision dans le cadre de l’acquisition projetée de Nexen par la chinoise CNOOC sera particulièrement importante.

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