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Jugement récent : Qui est le véritable propriétaire du site Web et des noms de domaine de votre client franchiseur?

En 2014, un site Web et un, ou des, noms de domaine constituent des actifs intangibles fondamentaux de tout réseau de franchises ou de bannières.

Ce sont des outils indispensables à la promotion et au développement du franchiseur et de son réseau et, dans une bonne mesure, représentent un volet important de l’image, de la réputation et des investissements faits par le franchiseur et ses franchisés afin de se démarquer dans leurs marchés et auprès de leurs clients actuels et potentiels.

Pour le franchiseur, ce sont aussi des outils de plus en plus importants pour le recrutement de nouveaux franchisés et pour assurer la croissance de son réseau.

Qui est le véritable propriétaire du site Web, de son contenu et du nom de domaine de votre client franchiseur?

Les lois régissant les actifs intangibles d’une entreprise (auxquelles l’on réfère, en langage juridique, sous le vocable de « droits de propriété intellectuelle ») sont complexes et quelques fois déroutantes.

Ainsi, la Loi sur le droit d’auteur prévoit que la personne qui conçoit une œuvre est la détentrice du droit d’auteur sur celle-ci, et ce, même lorsqu’elle l’a conçu sur commande d’une autre personne et contre rémunération (sauf si l’auteur est un employé ayant conçu l’œuvre dans le cadre de son travail). Un site Web constitue généralement une œuvre assujettie aux dispositions de la Loi sur le droit d’auteur.

En langage clair, ceci signifie que, dans le cas où un franchiseur fait appel aux services d’un fournisseur (agence de services Web, agence de publicité, pigiste, etc.) pour concevoir et mettre en ligne son site Web et pour obtenir et enregistrer son nom de domaine, il est possible que ce fournisseur (ou le pigiste auquel le fournisseur fait appel à cette fin) soit propriétaire du droit d’auteur malgré le fait qu’il ait rendu ces services à la demande du franchiseur et qu’il ait été rémunéré par ce dernier pour ce faire.

Trop souvent, le franchiseur ne le réalise malheureusement qu’à un très mauvais moment pour lui, par exemple au moment où survient une difficulté entre le franchiseur et le fournisseur qui a conçu pour lui son site Web ou obtenu et enregistré son nom de domaine.

C’est d’ailleurs ce qu’a appris à ses dépens l’entreprise Roulottes Prolite inc. au moment de la fin de ses relations d’affaires avec M. Claude Lasanté, le concepteur de son site Web, tel que le montre le jugement rendu par la Cour supérieure du Québec le 3 octobre dernier (que vous pouvez lire en cliquant ici).

Dans cette affaire, Roulottes Prolite inc., un fabricant de roulottes exploitant un réseau de 24 concessions au Canada, aux États-Unis et en Corée du Sud, avait confié au début 2004 à M. Claude Lasanté le mandat de concevoir et de monter son site Web et d’enregistrer les noms de domaine www.roulottesprolite.com et www.prolite.info.

Aucun contrat ne fût alors signé et seules quelques factures montrent la nature du mandat confié à M. Lasanté et le travail accompli par celui-ci pour Roulottes Prolite inc.

Quelques années plus tard, M. Lasanté fût embauché comme directeur du marketing de Roulottes Prolite.

Les difficultés commencèrent en 2013 où, à l’occasion de certaines communications, M. Lasanté commençât à laisser entendre qu’il se considérait propriétaire du site Web de Roulottes Prolite inc., évidemment à la surprise du président de Roulottes Prolite inc. qui appris aussi à ce moment que M. Lasanté réalisait, et conservait, des revenus provenant d’annonces placées sur le site Web de Roulottes Prolite inc.

En septembre 2013, M. Lasanté démissionna de son poste auprès de Roulottes Prolite inc. et proposa alors de lui céder ses droits sur le site Web et les noms de domaine pour la somme de 1 200 000 $ (vous avez bien lu, un million deux cent mille dollars) plus des honoraires contractuels de 700 $ par semaine pour le travail sur ce site.

Roulottes Prolite inc. dut donc s’adresser à la Cour supérieure pour lui demander d’ordonner à M. Lasanté de lui transférer les noms de domaine, les sites et l’information requise aux fins de ces sites, dont les renseignements relatifs aux abonnés aux infolettres de Roulottes Prolite inc.

Cette affaire a connu, par le jugement du 3 octobre dernier, un dénouement heureux pour Roulottes Prolite inc. puisque la Cour supérieure lui a alors donné raison et émis les ordonnances demandées pour le motif que, selon les témoignages et les factures, le tribunal en est venu à la conclusion que l’entente initiale entre les parties était à l’effet que les sites Web et leurs noms de domaine devaient être propriété de Roulottes Prolite inc. qui était donc en droit d’en réclamer les codes d’accès et les mots de passe.

Il aura par contre quand même fallu plus d’un an, deux jours de procès, plusieurs témoignages et des investissements importants en honoraires d’avocats et frais légaux avant que Roulottes Prolite inc. ne réussisse à faire valoir ses droits (sans compter la possibilité que ce jugement soit porté en appel).

En outre, ce jugement a été rendu sur la base de la preuve qui a pu être faite devant le tribunal quant à la teneur de l’entente verbale initiale. Il n’est donc pas du tout certain que la décision serait la même dans un autre cas semblable si un franchiseur ne réussit pas à convaincre le tribunal, par prépondérance de preuve, que l’entente initiale prévoyait qu’il devait être propriétaire du site Web et du nom de domaine.

Il est donc préférable de ne pas jouer avec le feu dans ce domaine et de prendre, dès le départ, les précautions qui s’imposent pour éviter que votre client franchiseur ne se retrouve dans une telle situation qui peut s’avérer à la fois complexe et délicate.

Un conseil important et pratique :

Il y a une manière très simple pour s’assurer que l’on est bien le propriétaire du droit d’auteur sur son site Web et sur ses nom de domaine et éviter de telles difficultés : obtenir dès le départ une cession du droit d’auteur assortie d’une renonciation aux droits moraux de la part de toutes les entreprises et personnes qui participent à la conception et l’élaboration du site Web ainsi qu’à l’obtention et l’enregistrement du nom de domaine.

Il est aussi important de s’assurer que le nom de domaine soit bien enregistré au nom du franchiseur et non à celui de son fournisseur de service ou pigiste.

Il s’agit là de précautions fort simples au moment de l’entente entre le franchiseur et son fournisseur (généralement une clause bien rédigée dans le contrat de service suffit).

Il faut cependant que cette cession soit bien, et clairement, rédigée et qu’elle soit signée non seulement par le fournisseur auquel le franchiseur fait appel, mais aussi par toutes les personnes (à la seule exception des employés de ce fournisseur) qui, d’une manière ou d’une autre, participent à la conception et l’élaboration du site Web et à l’obtention et l’enregistrement du nom de domaine.

Ce sera notamment le cas pour tous les pigistes et travailleurs indépendants (par exemple, les graphistes, les dessinateurs, les illustrateurs, les compositeurs, les rédacteurs, etc.) auxquels le fournisseur pourrait sous-contracter une partie du travail exigé à cette fin.

Il peut cependant s’avérer pas mal plus difficile d’obtenir une telle cession une fois le travail terminé (et le fournisseur payé) alors qu’il est fort possible que le fournisseur demande une compensation additionnelle, et parfois substantielle, pour ainsi céder au franchiseur son droit d’auteur.

Les lois régissant la propriété intellectuelle sont complexes, mais l’importance que revêt (de plus en plus) l’Internet pour un franchiseur mérite que l’on y porte attention le plus tôt possible.

Lorsque l’on sait les utiliser de la bonne manière, ces lois peuvent devenir de puissantes alliées pour bien protéger nos droits et nos actifs intangibles.

Par contre, lorsque l’on ne s’en soucie pas suffisamment, ou que l’on ne le fait que trop tard, elles peuvent causer de fort désagréables (et coûteuses) surprises.

Si vous avez quelque question ou commentaire, je vous invite à m’en faire part à l’adresse de courriel jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602 et il me fera plaisir de vous répondre rapidement.

Jean

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