HomeBlogueInnovations juridiquesActualités juridiquesJugement récent – La Cour supérieure émet une ordonnance de sauvegarde enjoignant le paiement de redevances

Jugement récent – La Cour supérieure émet une ordonnance de sauvegarde enjoignant le paiement de redevances

Lorsque survient un litige entre un franchiseur et l’un de ses franchisés (et encore plus lorsque ce litige implique un groupe de franchisés), l’une des stratégies utilisées par certains franchisés pour mettre de la pression sur le franchiseur consiste à cesser de lui verser ses redevances.

Cette stratégie s’appuie autant sur la pression que crée sur le franchiseur le fait d’être privé d’une source importante de revenus (souvent sa principale, et parfois même sa seule, source de revenus) que sur les délais judiciaires que devra encourir le franchiseur avant d’obtenir un jugement condamnant les franchisés à lui payer leurs redevances (lesquels peuvent s’étendre sur plusieurs mois, voire années). Il est d’ailleurs déjà arrivé, et ce à plus d’une reprise, que cette stratégie ait amené un franchiseur à devoir mettre fin à ses activités ou, même, à déclarer faillite.

Existe-t-il un remède rapide pour un franchiseur face à une telle stratégie de la part de certains de ses franchisés

Oui, du moins dans certains cas, comme le montre bien le jugement rendu par la Cour supérieure du Québec le 15 avril dernier dans l’affaire 6392041 Canada inc. c. 9201-4356 Québec inc. et als. (que vous pouvez lire en cliquant ici).

Dans cette affaire, sept franchisés de 6392041 Canada inc., le franchiseur du réseau Cabana Sol, reprochaient à ce franchiseur d’avoir contrevenu à ses obligations vis-à-vis eux après qu’il leur ait imposé un changement de fournisseur désigné obligatoire pour les équipements, accessoires et produits de leurs salons de bronzage franchisé Cabana Sol. Selon ces franchisés, le nouveau fournisseur obligatoire prescrit par le franchiseur pratiquait des prix plus élevés, n’offrait pas la même gamme de produits et n’offrait pas le service de remplacement de produits défectueux acquis du fournisseur précédent, d’autant plus que ce changement faisait suite à l’échec de négociations entre le franchiseur et le fournisseur antérieur relativement à la vente à ce dernier de l’entreprise du franchiseur.

Devant le refus du franchiseur de revenir sur sa décision d’imposer un nouveau fournisseur malgré les problèmes soulevés par ses franchisés, sept d’entre eux ont cessé, en septembre 2013 et en janvier 2014, de lui verser leurs redevances.

Après leur avoir envoyé une mise en demeure et avoir retiré leur nom de son site web, et devant leur persistance à refuser d’obtempérer, le franchiseur a déposé, le 28 février dernier, des recours judiciaires en résiliation de contrat et en dommages dans le cadre desquels il a aussi présenté une requête pour ordonnance de sauvegarde afin que le tribunal enjoigne à ces franchisés récalcitrants de lui verser immédiatement leurs redevances (ainsi que les arrérages de redevances).

Dans son jugement rendu le 15 avril dernier, la Cour supérieure s’est donc penchée sur la possibilité pour un franchiseur d’obtenir une telle ordonnance.

D’entrée de jeu, la juge a souligné que « l’ordonnance de sauvegarde est réservée aux situations exceptionnelles et qu’elle ne constitue pas la procédure appropriée pour obtenir le paiement d’une créance ».

Ensuite, le tribunal s’est attardé aux critères à rencontrer pour obtenir une telle ordonnance, soit (a) l’apparence de droit, (b) le préjudice irréparable, (c) la prépondérance des inconvénients, et (d) l’urgence.

Au chapitre de l’apparence de droit, le tribunal a conclu que « Dans la mesure où le choix des fournisseurs revient à la demanderesse (…) et où les défenderesses continuent d’exploiter leurs salons de bronzage en utilisant la marque de commerce CABANA SOL, la demanderesse a démontré l’existence d’un droit apparent relativement à l’obligation des défenderesses de lui verser des redevances ».

Quant au préjudice irréparable, selon le tribunal a conclu que le préjudice subi par le franchiseur dans cette affaire était sérieux et irréparable puisque (a) les franchisés poursuivis représentaient plus du tiers des franchisés et généraient donc une partie importante des revenus du franchiseur, (b) le franchiseur ne pouvait, en raison de l’exclusivité accordée à ces franchisés par leurs contrats, autoriser l’implantation d’autres salons Cabana Sol dans les villes dans lesquelles ces franchisés étaient installés, (c) le fait que ces franchisés, selon les dires de leur propre procureur, ne réalisaient pas de profits énormes pouvait laisser craindre que le franchiseur aura de la difficulté à récupérer les redevances qui s’accumuleront d’ici le jugement final s’il a gain de cause.

Le tribunal a aussi conclu que la prépondérance des inconvénients favorisait le franchiseur puisqu’ « il existerait donc clairement un déséquilibre contractuel si les défenderesses pouvaient continuer l’exploitation des salons de bronzage CABANA SOL sans verser de redevances à la demanderesse ».

Enfin, au chapitre de l’urgence, selon la juge : « Il devient urgent de rétablir le paiement des redevances par les défenderesses dans la mesure où il est envisageable qu’à défaut d’ordonnance de sauvegarde, les 13 autres franchisés non visés par les présentes procédures, soient incités à cesser, eux aussi, de payer les redevances tout en poursuivant l’exploitation de leurs salons CABANA SOL. Ceci entraînerait la perte pour la demanderesse de tous ses revenus ».

Le tribunal a donc accueilli en partie la requête pour ordonnance de sauvegarde présentée par ce franchiseur en ordonnant aux franchisés de lui verser, au plus tard le 25 avril 2014, les deux tiers des arrérages de redevances puis, à compter du 1er mai 2014, les deux tiers des redevances mensuelles stipulées à leurs contrats et ce, jusqu’à la date du jugement final dans cette affaire.

À défaut par les franchisés de verser ces redevances, ceux-ci seront forclos de contester la réclamation du franchiseur relativement au paiement des redevances, ce qui permettra alors au franchiseur de demander à ce que jugement soit rendu par défaut contre eux.

En contrepartie, le tribunal a aussi ordonné au franchiseur de remettre les noms de ces franchisés sur son site web.

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Jean

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