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J’AI SERRÉ LA MAIN DU DÉMON

J’ai serré la main du Démon. Enfin, manière de parler, j’ai seulement téléphoné pour féliciter le Diable lui-même, le Ministre du revenu du Québec, pour la belle victoire en Cour suprême de ses suppôts de l’Agence du revenu du Québec, dans l’affaire des saisies administratives signifiées avant la faillite au titre de la TPS, dont je vous bloguais récemment.

Heureusement, le tout a été enregistré et je l’ai fait transcrire :

Blogueur favori : « Bonjour Satan, félicitations pour votre belle victoire. »

MRQ : « Ben merci, mais tsé veut dire, on a pas de mérite, c’est quand même nous qui les écrit les lois. »

B.F. : « En effet, Prince des Ténèbres, je n’aurais su mieux le dire et l’exprimer. J’ai tout de même une petite question qui me tracasse. »

MRQ  : « Vous comprendrez que ma réponse n’engagera que moi et que je ne peux pas parler pour mes fonctionnaires qui appliquent les lois et règlements fiscaux. »

B.F : « Sans problème, cher Lucifer. »

MRQ: « Pis aussi je voudrais que mon nom demeure incognito. »

B.F : « Soyez assuré, cher Belzébuth, qu’ Édilex n’a jamais vendu ni tenté de vendre une liste de ses informateurs. »

 MRQ: « Attaboy ».

B.F : « Voici la question, Génie du Mal: Puisque le mécanisme de saisie administrative validé par la Cour suprême du Canada est celui du par. 317(3) de la Loi sur la taxe d’accise   et qu’il est substantiellement le même que celui utilisé au provincial pour toutes les lois fiscales du Québec, à savoir l’utilisation de l’article 15.3.1 de la Loi sur l’administration fiscale, peut-on envisager que l’Agence du revenu du Québec l’utilise non seulement pour la TVQ, mais aussi pour des impôts corporatifs et adopte la position que le tiers-saisi est redevable envers elle malgré une faillite subséquente  du débiteur fiscal qui interviendrait avant le paiment par le tiers-saisi, de la même manière qu’elle le fait pour la TPS et les retenues à la source? »

MRQ: « Wooooo la question, peux-tu répéter? »

B.F : « Certainement Méphistophélès, je reformule : mettons que t’as une créance d’impôt corporatif, et mettons que t’as fait une demande formelle de paiement à une banque et que mettons que la banque a de l’argent dans le compte, et que mettons que le débiteur fiscal fait faillite par après mais avant que tu soyes payé, poursuis-tu la banque ou si tu laisses l’argent au syndic? »

MRQ: « Ah, OK ca c’est clair. Une chance qu’y m’ont donné un cartron-réponse. Je le sors. Oui, voici : c’est un principe d’équité fiscale qui veut que l’Agence utilise tous  les moyens et recours à sa disposition pour faire valoir ses droits dans leur entièreté. Je pense que la réponse est qu’on veut l’argent. »

B.F : « Merci, Red Devil. »

Morale de cette histoire, il ne suffit plus aux prêteurs de connaître les dettes de leurs emprunteurs au titre des retenues à la source et au titre des taxes à la consommation. Toute dette fiscale du Québec, même pour impôts corporatifs, risque de faire rétrograder le rang des sûretés de la banque et, en cas de saisie administrative, même une faillite n’aura pas pour effet de provoquer une inversion de priorité. La Banque Toronto-Dominion, qui avait suspendu, dans la même faillite, l’audition de l’appel pour la saisie fondée sur la TVQ en attendant la décision dans le dossier de la TPS, ne poursuivra pas le débat pour la saisie fondée sur la loi québécoise. Les arguments sont pourtant différents, le jugement de la Cour suprême étant essentiellement fondé sur l’absence de conflit apparent entre deux lois fédérales. Par contre, est-ce que la province peut définir ce qu’est un « paiement » ou un droit de propriété sans offenser directement la Loi sur la faillite et l’insolvabilité?

Je prépare une autre pétition en ligne pour qu’on amende la LFI.  Pour mettre un peu d’huile sur le feu de l’Enfer des litiges avec le fisc, je termine sur une petite citation du Juge Gonthier dans Husky Oil Operations Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1995] 3 R.C.S. 453, par. 39 : 

39     Enfin, bien que je reconnaisse que les quatre propositions susmentionnées résument le raisonnement adopté dans le quatuor d’arrêts, je suis d’avis que cette liste serait plus complète si on ajoutait les cinquième et sixième propositions suivantes:

     (5)pour déterminer le lien qui existe entre une loi provinciale et la Loi sur la faillite, il ne faut pas que la forme du droit créé par la province l’emporte sur le fond. Les provinces n’ont pas le droit de faire indirectement ce qui leur est interdit de faire directement;

     (6)pour que la loi provinciale soit inapplicable, il n’est pas nécessaire que la province ait eu l’intention d’empiéter sur la compétence fédérale exclusive en matière de faillite et d’être en conflit avec la Loi sur la faillite. Il suffit que la loi provinciale ait cet effet.

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