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Violation des règles de sécurité : une responsabilité partagée

Vous êtes de ceux qui croit que la santé et la sécurité au travail est primordiale? Vous croyez qu’une violation des règlements en matière de santé et de sécurité doit être punie sévèrement? Et bien, de plus en plus d’arbitres sont de votre avis tel qu’en fait foi la décision rendue récemment dans l’affaire Vytalbase-Recall (division des Brambles Canad inc.) et Syndicat des travailleuses et travailleurs de Recall-Québec (CSN) (Bobby Custer), D.T.E. 2011T-393 (T.A.), et ce même si la mesure imposée a été réduite pour des motifs dont je parlerai un peu plus bas.

Dans cette affaire, l’employeur se spécialisait dans le déchiquetage et l’archivage de documents confidentiels. Un opérateur, le plaignant, était chargé de l’alimentation et de la surveillance de la déchiqueteuse. Évidemment, l’opération d’un équipement telle qu’une déchiqueteuse était assujettie à des règles de sécurité strictes.

Après une absence de plus d’un (1) an, le plaignant reprenait le travail le 6 mai 2010. À son retour, le Directeur de l’usine (ci-après le « Directeur ») l’affectait à la déchiqueteuse après lui avoir rappelé les tâches dont il devait s’acquitter, tâches qui étaient substantiellement les mêmes que celles qu’il avait effectuées dans le passé. Le lendemain, le Directeur demandait au plaignant de participer à une séance de formation portant sur la manière sécuritaire de mettre la déchiqueteuse en arrêt. La formation dura environ 15 minutes et eu lieu dans le bureau du Directeur.

À cette occasion, le Directeur remis au plaignant un document sur la procédure de cadenassage qu’il lu lors de la formation en la commentant brièvement. Il n’a toutefois pas amené le plaignant dans l’usine pour lui montrer concrètement les étapes à suivre pour arrêter la déchiqueteuse puisque ce dernier lui avait indiqué verbalement qu’il connaissait la procédure. Le plaignant a par la suite signé un document attestant avoir reçu la formation.

On constate de la décision qu’il existe 4 étapes pour arrêter sécuritairement la déchiqueteuse :

1) Il faut d’abord arrêter les couteaux en pressant un bouton;

2) Il faut ensuite tourner la clé en position « arrêt » afin d’arrêter complètement le moteur de la machine;

3) Il faut sécuriser la machine en mettant la manette située sur le côté en position « arrêt » et en retirant la clé du contact;

4) Il faut finalement poser un cadenas sur ladite manette.

Quelques jours plus tard, le Directeur aperçoit le plaignant qui procède au nettoyage des couteaux de la déchiqueteuse alors que le ventilateur de la machine est toujours en marche ce qui signifie que l’alimentation en courant n’a pas été coupée. Le Directeur demande aussitôt au plaignant de suspendre le nettoyage des couteaux et d’installer le cadenas sur la manette tel que requis par la procédure d’arrêt. Le plaignant lui répond alors : « It’s too much time consuming. » Le Directeur répète alors sa directive et le plaignant suspend finalement le nettoyage des couteaux. Le Directeur présume alors qu’il fera ce qui lui a été demandé.

Quelques minutes plus tard, un employé vient aviser le Directeur que le plaignant a repris le nettoyage des couteaux sans avoir posé le cadenas sur la manette. Le Directeur retourne dans l’usine et l’avise formellement qu’il doit obligatoirement installer le cadenas. Malgré ce second avis, le Directeur apprend plus tard que le plaignant n’a jamais installé le cadenas. Le plaignant est alors suspendu pour fins d’enquête et par la suite, congédié pour violation des règles de sécurité et insubordination. Il est à noter qu’au moment de son congédiement, le plaignant a un peu moins de 3 ans de service et que la décision ne révèle pas l’existence d’un dossier disciplinaire antérieur.

Analysant la preuve présentée, l’arbitre conclut que l’employeur a bel et bien démontré l’existence d’une violation des règles de sécurité ainsi qu’une insubordination répétée. L’arbitre conclut toutefois que le congédiement n’est pas une sanction juste et proportionnelle. Toutefois, ce qui est intéressant dans cette affaire c’est que l’arbitre ne justifie pas sa décision par fait que la faute n’est pas suffisamment grave ou parce qu’il n’y a pas eu respect de la progression des sanctions mais plutôt en raison de certains manquements de l’employeur en regard de la formation et de l’encadrement dont notamment les suivants :

a) n’ayant travaillé sur la déchiqueteuse qu’environ 3 semaines au cours des 18 derniers mois, l’employeur avait l’obligation de fournir au plaignant une session de formation sur le fonctionnement sécuritaire de la déchiqueteuse dès son arrivée. Le fait que l’employeur ait laissé travaillé le plaignant 1½ journée avant de lui donner une formation contredit son allégation à l’effet qu’il accorde une importance capitale à la sécurité;

b) le fait que le plaignant ait dit qu’il connaissait les règles ne dispensait pas l’employeur de son obligation de le former;

d) la formation n’était pas adaptée à la situation du plaignant. Le Directeur aurait en effet dû lui rappeler, sur son poste de travail et de façon concrète les étapes à suivre pour procéder de façon sécuritaire à l’arrêt de la déchiqueteuse, surtout que le document de formation utilisé n’était pas suffisamment clair et ne décrivait pas expressément toutes les étapes pour l’arrêt.

Dans sa décision, l’arbitre traite longuement du fait que lors de l’audition, tant le Directeur que le plaignant ont eu de la difficulté à expliquer clairement les étapes à suivre pour arrêter la déchiqueteuse de façon sécuritaire. L’arbitre a d’ailleurs dû se déplacer sur les lieux pour mieux comprendre. Il est évident qu’un élément comme celui-là a joué contre l’employeur puisque cela tend à démontrer que les étapes sont complexes et que la mémoire est une faculté qui oublie.

À tout événement, l’arbitre conclut que ces divers éléments atténuent sérieusement la gravité des fautes commises par le plaignant. Malgré tout, l’arbitre substitue au congédiement une suspension de plus d’un (1) an ce qui, nous en conviendrons, demeure une sanction sévère.

Cette décision permet de conclure que de nos jours, la violation des règles de sécurité constitue une faute grave justifiant une sanction sévère. Toutefois, on doit également retenir qu’il ne suffit pas comme employeur de dire que la sécurité au travail est d’une importance primordiale mais il faut également le démontrer en prenant les mesures qui s’imposent pour former adéquatement les salariés et ce, même si ceux-ci disent qu’il connaissent les règles et qu’ils n’ont pas besoin de formation.

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