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Nullité, Inopposabilité, Incompréhensibilité et Intraduisibilité

Il y a des matins où on se sent nuls, d’autres où on se sent particulièrement nuls et certains où on se sent inopposables devant une incompréhension qu’on ne peut traduire en mots, dans une langue ou dans l’autre.

Prenez par exemple votre blogueur favori, n’importe lequel, qui aurait écrit dans un JurisClasseur québécois intitulé « Faillite, Insolvabilité et Restructuration » (LexisNexis) un Fascicule 5 « Traitements préférentiels et opérations sous-évaluées ».  Disons qu’il aurait fait une savante distinction entre la nullité et l’inopposabilité en ces termes :

«5. Nullité et inopposabilité.  La jurisprudence, les auteurs et le législateur semblent parfois avoir eu tendance à confondre ou assimiler la notion de nullité et la notion d’inopposabilité d’un acte juridique. Il faut cependant considérer ces deux recours comme distincts et s’assurer que les conclusions recherchées sont conformes aux dispositions spécifiques de la loi qui sont applicables au recours exercé. En principe, un acte nul ou annulable n’a aucun effet, tant entre les parties qu’à l’égard des tiers1.  Il y a alors lieu à la remise en état des parties, laquelle remise en état, pour la contrepartie qui avait été consentie par le débiteur, se fera au bénéfice du syndic. Dans le cas d’une déclaration d’inopposabilité, l’acte demeure valide entre les parties, mais n’a aucun effet à l’encontre du tiers qui l’a attaqué avec succès2.  Le syndic peut alors faire saisir le bien ou exercer les droits du failli comme si l’acte juridique inopposable n’avait pas eu lieu à son égard. »

Avec doctrine à l’appui.

Ça semble relativement simple : un acte annulé n’existe plus et les parties sont remises en état, l’un rembourse le prix de vente, l’autre redonne l’immeuble vendu; un acte inopposable est ignoré par le créancier qui peut exécuter sur les biens de son débiteur comme si l’acte n’avait pas eu lieu. Il est clair que dans l’esprit de Napoléon et de son code, le bien transféré par un acte inopposable est un bien matériel qu’on cherche à rapatrier dans le patrimoine de son débiteur pour le saisir.

Mais ce n’est pas parce qu’on a les auteurs Tancelin, Mignault, Jobin et Baudouin dans son camp qu’on en peut pas être dans le champ. Car dans l’autre champ, il y a la jurisprudence.

Le savant auteur continue, en traitant de l’ « inopposabilité d’un paiement »:

« 11. Recours en inopposabilité d’un paiement – Comme son nom l’indique, le recours ne vise pas l’annulation de l’acte, qui demeurerait valide entre les parties, mais une déclaration d’inopposabilité à l’égard du syndic1. La monnaie étant le bien fongible par excellence2, il est difficile de concevoir une action en inopposabilité pour attaquer un paiement ou une donation monétaire fait par le débiteur. En effet, la simple déclaration d’inopposabilité ne permettait pas nécessairement au syndic de saisir la somme reçue qui aura été confondue avec les autres biens du tiers. Il en sera autrement si la somme a été conservée de manière distincte et séparée ou a fait l’objet d’un remploi spécifique. Ce n’est que dans ces cas qu’une déclaration d’inopposabilité d’un paiement serait susceptible d’exécution. Donc, en principe, le paiement préférentiel fait à un créancier ne pouvait être attaqué qu’uniquement par une demande d’annulation de paiement préférentiel en vertu de l’article 95 L.f.i., cet article prévoyant autrefois que tel paiement était « tenu pour frauduleux ». Cependant, la jurisprudence donne ouverture à un recours en inopposabilité d’un paiement, en considérant parfois l’acte inopposable comme nul3. »

On voit donc le problème : une déclaration judiciaire qu’un paiement est inopposable ne permet pas au créancier de saisir un bien particulier. Les tribunaux comblent donc le vide apparent en traitant l’inopposabilité d’un paiement exactement comme la nullité d’une transaction sans contrepartie. Les tribunaux ordonnent la restitution du paiement par condamnation monétaire.

La Cour d’appel a récemment confirmé cette application étendue du recours en inopposabilité. C’en est trop pour un auteur pour aujourd’hui, il sera question de cet arrêt dans le prochain blogue.

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