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Infractions à la LCOP: l’inadmissibilité qui en résulte est une conséquence considérable pour les entreprises

La Cour supérieure a récemment rendu une décision très intéressante en matière d’infractions à la Loi sur les contrats avec les organismes publics (la «LCOP»). Au terme de son analyse, la Cour énonce que le plaidoyer de culpabilité de la demanderesse n’a pas été rendu à la lumière d’un consentement éclairé. Elle a donc autorisé la demanderesse à retirer son plaidoyer, annulant ainsi la déclaration de culpabilité qui en découle.

Les faits

Dans cette affaire, la demanderesse («9060») présente une requête en retrait de plaidoyer de culpabilité. Dans le cadre d’un processus d’appel d’offres lancé par la Société de développements de la Baie-James («SDBJ»), 9060 dépose une soumission pour la fourniture d’un relais routier à titre d’entreprise de location. Parmi les conditions de conformité de cet appel d’offres, la SDBJ exige que l’attestation de Revenu Québec faisant état du respect des lois fiscales ne soit pas datée de plus de 90 jours avant la date de réception des soumissions.

Malgré cette exigence, 9060 dépose une attestation datée du 21 février 2012, alors que la date de réception des soumissions est fixée pour septembre 2012. Ainsi, la SDBJ demande à 9060 de lui transmettre une autre attestation. Le 17 septembre 2012, 9060 lui transmet une attestation datée du 7 septembre. Or, selon Revenu Québec, 9060 aurait falsifié la date de cette attestation puisque cette dernière a en réalité été émise le 17 septembre 2012.

La SDBJ rejette la soumission de 9060 en raison de la falsification alléguée par Revenu Québec. Un constat d’infraction est par la suite signifié à 9060 «pour avoir transmis une attestation de Revenu Québec contenant des renseignements faux ou inexacts». Peu de temps après, elle plaide coupable et acquitte l’amende de 500$ qui en résulte. Ce plaidoyer donne également lieu à l’inscription de 9060 au RENA, la rendant ainsi inadmissible à conclure des contrats avec les organismes publics pendant 5 ans.

Les prétentions des parties

Au soutien de sa requête, 9060 allègue que son plaidoyer de culpabilité s’explique en raison du fait qu’elle voulait éviter d’engager des frais de contestation. Elle dit avoir plaidé coupable «par commodité administrative». Or, 9060 explique qu’elle n’a pas consulté d’avocat avant son plaidoyer. Ce faisant, elle allègue qu’elle ne pouvait savoir que cela entraînerait son inscription au RENA et son inadmissibilité à contracter avec les organismes publics pendant 5 ans. Effectivement, le constat d’infraction indique l’amende minimale de 500$ sans faire mention des autres répercussions de l’infraction.

De son côté, Revenu Québec soutient que l’inadmissibilité aux contrats publics n’est qu’«une conséquence administrative d’une déclaration de culpabilité».

Les questions en litige

La Cour doit donc répondre à deux questions:

1) Le consentement de 9060 à plaider coupable était-il éclairé?; et

2) 9060 dispose-t-elle de quelconques moyens de défense face à l’infraction reprochée?

La décision 

En règle générale, on ne peut revenir sur son plaidoyer de culpabilité. Ce n’est qu’exceptionnellement que les tribunaux permettent le retrait d’un tel plaidoyer puisque la «stabilité des décisions judiciaires» en dépend. La Cour explique ainsi que pour accueillir la requête de 9060, cette dernière doit démontrer qu’elle possède des «motifs sérieux et valables». La Cour ajoute aussi que le fait de ne pas avoir consulté un avocat constitue un facteur atténuant quant au fardeau de preuve de la demanderesse.

Pour être valide, le plaidoyer doit être éclairé. Cela signifie que «l’accusé doit comprendre la nature des allégations faites contre lui et les conséquences de son plaidoyer». La deuxième étape de l’analyse requiert que la Cour détermine si la demanderesse a des «moyens sérieux de défense» à présenter.

Même si la Cour rappelle que les accusés doivent être diligents en consultant un avocat, le contexte du droit pénal règlementaire nécessite certaines distinctions. Premièrement, les plaidoyers de culpabilité sont, la plupart du temps, extrajudiciaires et ne font donc pas l’objet d’une vérification judiciaire. De plus, comme les impacts des infractions pénales règlementaires sont normalement moins importants que pour les infractions criminelles, les accusés sont moins portés à retenir les services d’un avocat.

Pour ces raisons, la Cour est d’avis que «les poursuivants devraient inscrire sur les constats d’infraction les conséquences principales qui découlent d’une déclaration de culpabilité». Étant donné que l’inadmissibilité aux contrats publics est une conséquence directe d’une infraction à la LCOP, la Cour affirme que l’inscription de celle-ci sur le constat d’infraction assurerait le caractère éclairé du consentement de l’accusé qui plaide coupable.

Non seulement l’inadmissibilité est une conséquence directe d’une infraction à la LCOP, mais «la disqualification automatique des contrats publics pour une période de cinq ans peut constituer la mise à mort d’une entreprise qui contracte de manière significative avec l’État». Cela correspond davantage à une peine qu’à une «simple conséquence administrative».

La Cour termine son analyse en écrivant ce qui suit:

[42] À tout événement, compte tenu des conséquences très sérieuses[32] résultant de l’interdiction générale aux contrats publics, une entreprise accusée doit pouvoir soigneusement considérer cet élément en vue de faire un plaidoyer de culpabilité éclairé à une infraction à la Loi sur les contrats des organismes publics.[33]

[43] En l’espèce, la preuve établit que 9060 ne disposait pas d’informations adéquates et ne comprenait pas les conséquences catastrophiques de son plaidoyer, en particulier l’inadmissibilité prolongée aux contrats publics qui en découlerait.

[44] Le Tribunal est convaincu que si 9060 avait su qu’elle serait disqualifiée, de même que ses entreprises liées, des contrats publics pour une période de cinq ans, elle aurait tenté de se défendre.[34]

[45] Bien que l’on puisse s’attendre à un degré de diligence plus élevé dans le cas d’une entité corporative habituée à faire affaire avec l’État, ceci n’affecte pas fondamentalement l’analyse, compte tenu des considérations de principe précédemment mentionnées, soit le fait qu’il s’agisse d’une infraction réglementaire dans le contexte d’un contentieux de masse et l’absence de vérification judiciaire.

Enfin, la Cour est d’avis que 9060 dispose d’une défense de diligence raisonnable quant à l’infraction reprochée. Pour ces raisons, la Cour accueille la requête en retrait de plaidoyer de 9060 et ordonne le renvoi du dossier en première instance.

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