HomeBlogueInnovations juridiquesActualités juridiquesÀ quelles conditions le donneur d’ordre peut-il se prévaloir de la clause de réserve?

À quelles conditions le donneur d’ordre peut-il se prévaloir de la clause de réserve?

En vertu de l’article 4(7) du Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics, les documents d’appel d’offres doivent indiquer que «l’organisme public ne s’engage à accepter aucune des soumissions reçues». Cette disposition est communément qualifiée de «clause de réserve». Ainsi, il arrive parfois que les soumissionnaires contestent la décision du donneur d’ordre de s’en prévaloir.

Cela fut notamment le cas dans la décision Roxboro Excavation inc. c Québec (Procureur général) (Ministère des Transports). Dans cette affaire, la demanderesse («Roxboro») a intenté une poursuite en dommages contre le MTQ pour la somme de 3 044 892$ en raison de la décision de ce dernier de se prévaloir de la clause de réserve prévue aux documents d’appel d’offres. Roxboro reproche au MTQ d’avoir rejeté sa soumission alors qu’elle était la plus basse conforme.

L’appel d’offres vise la construction d’un tronçon d’autoroute. Il est prévu que les soumissionnaires ont deux options quant au type de murs de soutènement utilisé. Or, peu de temps avant la date limite fixée pour l’ouverture des soumissions, l’entrepreneur fournissant les parois préfabriquées aux soumissionnaires ayant choisi la deuxième option leur a indiqué que cette option n’était plus possible en raison d’une erreur de calcul. Malgré cet avis, Roxboro a présenté une soumission faisant appel à la deuxième option. La soumission de Roxboro était la moins élevée.

À l’ouverture des soumissions, le MTQ a décidé de n’accepter aucune soumission. Ce faisant, il a lancé un autre appel d’offres concernant l’adjudication du même contrat. Ce deuxième appel d’offres comportait quelques différences plutôt mineures. Le MTQ invoque ses soupçons quant à l’existence de collusion au soutien de sa décision. Bien qu’il n’ait finalement pas été question de collusion de la part de Roxboro, la Cour a rejeté la requête de cette dernière.

La Cour s’est prononcée comme suit au sujet de l’application de la clause de réserve:

[62] Il est reconnu que lorsque l’administration énonce une clause de réserve dans un appel d’offres, à moins de contrevenir à la loi ou aux règlements et sauf dans les cas de fraude, de mauvaise foi ou de faute intentionnelle, on ne pourra lui reprocher de s’en prévaloir. Elle doit, en quelque sorte, le faire de façon raisonnable, dans le respect des grands objectifs de la Loi sur les contrats des organismes publics et en fonction du meilleur intérêt des contribuables.

[63] Comme suite à l’imbroglio créé par la décision de dernière minute de Schokbeton Québec inc. de se retirer, les soumissionnaires à l’exception de la demanderesse qui, dit-elle, a pris un risque d’entrepreneur, s’étaient vus privés de la possibilité de choisir pour le mur de soutènement de type Ebal, l’option la moins coûteuse pour le trésor public. Après l’ouverture des soumissions, le ministère des Transports était incapable d’évaluer les soumissions de façon uniforme et équitable. En raison du fait de Schokbeton Québec inc., et pour s’en être remis de bonne foi aux affirmations de son estimateur dans le courriel du 18 avril, ces autres soumissionnaires étaient irrémédiablement désavantagés. Le jeu avait été faussé.

[64] Une décision devait être prise au ministère des Transports dans le meilleur intérêt des contribuables. On ne pouvait savoir ce qui serait arrivé si tous les soumissionnaires avaient eu le choix entre les deux options pour le mur. L’obligation première des décideurs était envers le trésor public. Ils devaient également agir de façon à protéger le respect du public pour le processus d’appel d’offres public. Force est de reconnaître que, même à tort, on soupçonnait, au ministère des Transports, qu’il y avait eu collusion.

[65] Dans les circonstances, la décision du ministère des Transports de se prévaloir de la clause de réserve et de procéder à un second appel d’offres était conforme à la loi et aux documents contractuels, et les décideurs ont usé de leur pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable et agi selon les exigences de la bonne foi. Aucune faute n’a été commise.

Il était donc du ressort du MTQ de se prévaloir de la clause de réserve et de lancer un deuxième appel d’offres afin d’être en mesure de traiter équitablement tous les soumissionnaires.

*Nous attirons votre attention sur le fait que cette décision est portée en appel*

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