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Baux commerciaux: Les paroles s’envolent, les écrits restent!

Certains diront qu’il s’agit d’une évidence, il est vrai, pourtant les tribunaux foisonnent de litiges portant sur ce sujet.  Trop souvent les parties lors de la négociation d’un bail commercial ou d’autres ententes sont empressées de signer l’entente et omettent d’y consigner par écrit des clauses qui leurs semblaient importantes, voire même essentielles.

C’est ce qui est ressorti d’une décision récente de la Cour supérieure rendue le 13 octobre 2011 par Monsieur le juge Daniel W. Payette dans l’affaire 9183-7831 Québec inc. c. Location Faubourg Boisbriand Inc. et Gestion Centre d’achat Faubourg Boisbriand Inc., 2011 QCCS 5304, où ce dernier fut confronté à une clause d’entente complète incluse dans un bail commercial assortie d’une tentative de mettre en preuve des discussions précédant la conclusion du bail afin d’en tirer des engagements contractuels.

Les faits de cette affaire :  Un locataire demande la résiliation de son bail qu’il a conclu pour la location d’un local dans un centre commercial ainsi que le remboursement du loyer payé et des améliorations locatives faites sur la base que son commerce n’a pas obtenu l’achalandage espéré.  Le locataire plaide que le bailleur ne respecte pas ses obligations et il lui reproche de ne pas avoir complété la section « Village Lifestyle » et de ne pas avoir construit un hôtel et un cinéma.  Le bailleur s’objecta à la tentative du locataire de mettre en preuve des discussions précédant la conclusion du bail pour en tirer des engagements contractuels.  Le bail contenait une clause d’entente complète.

Les clauses d’entente complète :  Dans tous types de contrats commerciaux incluant les baux commerciaux, il est courant d’y retrouver des clauses d’entente complète aussi communément appelées « clauses d’intégralité » ou encore « clauses de préséance ».  Quel est le but de telles clauses ?  Il s’agit de délimiter l’étendue des obligations des parties et d’empêcher ainsi que soient éventuellement invoquées des ententes verbales ou écrites précontractuelles n’ayant pas été consignées au contrat.

La position des tribunaux :  Au Québec, les tribunaux ont validé à maintes occasions la portée d’une telle clause d’entente complète, constituant une clause restrictive et ils y voient même un aveu des parties qu’il n’y a pas d’autre entente les liant.  Cependant, ces mêmes tribunaux ont aussi apporté certaines nuances en considérant la preuve au sujet de certaines négociations qui ont précédées la conclusion du contrat.

Dans l’affaire Faubourg Boisbriand, le juge Payette résume les cas où il est possible d’aller à l’encontre de ce type de clause à savoir :

  • Lorsque l’aveu résulte d’une erreur;
  • En cas de fraude;
  • Lorsqu’il y a eu des fausses représentations;
  • Dans le cadre d’un contrat de consommation;
  • Dans le cadre de contrats contrevenant à l’ordre public.

Le juge Payette ajoute néanmoins qu’aucune des situations précitées n’est alléguée ni ne s’applique dans cette affaire et il conclut en mentionnant qu’il ne s’agit pas non plus d’un cas d’interprétation d’une clause ambiguë ou encore d’un cas où il s’agit de rechercher la commune intention des parties.  La cour a donc maintenu l’objection du bailleur et a ainsi refusé de considérer les propos tenus ou les représentations précontractuelles

Il est mentionné dans ce jugement que si le locataire voyait là une condition essentielle à son engagement, il lui fallait le prévoir au bail, tout comme le soulignait d’ailleurs le juge Paul Mayer de la Cour supérieure dans l’affaire 9142-9134 Québec inc. c. 9180-9293 Québec inc. (2010 QCCS 4397) et je cite :

« [155] To begin, when synergies are an important aspect of a tenant’s success, it is wise to negotiate a co-tenancy provision in a lease, which gives a tenant the right to terminate his lease or reduce his rent if a prescribed percentage of neighbouring tenants become vacant or anchor tenants leave the centre.  This type of clause will help ensure that a tenant will obtain a certain relief in the event that there is not sufficient customer traffic that enables his business to remain viable.

[156]  In the case at hand, there is no such provision in the Lease.».

Il est donc démontré une fois de plus :

  • l’importance des clauses d’entente complète qui ont un certain pouvoir en limitant les obligations des parties aux seules obligations consignées par écrit (sauf exceptions); et
  • l’importance de ne pas lésiner sur la rédaction de clauses spécifiques lors de la négociation d’une entente et ainsi, de consigner par écrit les promesses et les engagements de part et d’autre,

puisque comme le dit si bien l’adage : « les paroles s’envolent, les écrits restent! ».

Bonne rédaction!

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