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Attention – clauses de limitation de responsabilité

Aucun des sujets de l’actualité immobilière ne m’intéressant, je me suis rabattue sur un sujet plus général:  les clauses de non-responsabilité.

Les Cours sont prudentes dans l’interprétation de ce genre de clauses.  D’un côté, elles tentent de respecter la liberté de contracter, mais de l’autre, elles veulent également éviter les abus.

En septembre 2011, la Cour d’appel a confirmé une décision de la Cour supérieure dans l’affaire Développements d’Arcy McGee ltée c. Services de transport Trac World inc.

Développement d’Arcy McGee (ci-après d’Arcy McGee) avait convenu avec Service de transport Trac World (ci-après Trac World) qu’elle entreposerait des lattes de bois dans les entrepôts de Trac World. Le contrat convenu était en fait une soumission dont l’acceptation a été prouvée par les chèques qui ont suivi. Dans cette soumission, il était indiqué « tous nos services sont assujettis à des conditions générales, ces conditions comprennent des clauses d’exclusions et de limitation de responsabilité et sont disponibles sur demande ». Si D’arcy McGee avait fait cette demande, elle aurait reçu un document on ne peut plus clair indiquant que les biens étaient entreposés au risque du client et que particulièrement Trac World ne pourrait être tenu responsable de la perte des biens en raison, entre autres, d’un incendie.

On s’en doute, un incendie a complètement détruit les lattes de bois appartenant à D’arcy McGee. La Cour supérieure a répondu à deux questions: 1- s’agit-il d’un contrat d’adhésion; 2- La clause externe d’exclusion de responsabilité s’applique-t-elle?

La première question était importante puisque le Code civil impose des règles additionnelles en ce qui concerne les clauses externes dans le cadre de contrat d’adhésion. La Cour en vient à la conclusion qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion.

La Cour analyse ensuite si la clause externe s’applique ou pas. En effet, l’article 1435 du Code civil du Québec prévoit que la clause externe lie les parties. Cependant, dans les cas de contrat de consommation ou d’adhésion, la clause externe est nulle sauf si elle a été expressément portée à la connaissance du cocontractant, ou encore que l’on soit en mesure de démontrer qu’il en a connaissance. Dans ce cas-ci, la Cour en vient à la conclusion que la référence au bas de la soumission à l’effet qu’il existe un document, disponible sur demande, qui prévoit entre autres des clauses d’exclusion de responsabilité, n’est pas suffisante pour respecter les exigences imposées par le Code civil du Québec, et condamne Trac world à compenser D’arcy McGee pour ses dommages..

La Cour d’Appel confirme le jugement en mentionnant qu’elle ne voit aucune erreur révisable dans le raisonnement du juge de première instance. Elle ajoute que même si l’on avait décidé qu’il ne s’agissait pas d’un contrat d’adhésion, « la soumission n’attirait pas suffisamment l’attention du cocontractant à l’existence d’une clause externe de limitation de responsabilité ».

En 2010, la Cour Suprême a eu à se pencher sur la question des clauses d’exclusions de responsabilités dans le cadre d’un appel d’offres. Il s’agit d’un dossier en appel d’une décision de la Cour d’Appel de la Colombie-Britannique, mais les concepts sont suffisamment larges pour être également intéressants au Québec.

La province de la Colombie-Britannique avait lancé un processus d’appel d’offres pour la conception et la construction d’une route. 6 soumissionnaires s’étaient qualifiés. Finalement, la province a décidé de concevoir elle-même la route, mais elle a demandé des propositions pour la construction de la route. Dans les documents demandant les propositions, il était spécifié que seuls les 6 soumissionnaires s’étant qualifiés la première fois pouvaient soumissionner. Il était également spécifié que « sauf ce que prévoient expressément les présentes instructions, un proposant ne peut exercer aucun recours en indemnisation pour sa participation à la DP (demande de propositions), ce qu’il est réputé accepter lorsqu’il présente une soumission ».

La province a finalement accepté la proposition soumise par un des 6 soumissionnaires, cependant, celui-ci s’était, dans sa proposition, adjoint les services d’une autre entreprise qui n’était pas autorisée à soumissionner, et ce, à la connaissance de la province. Un autre soumissionnaire autorisé a décidé de poursuivre la province, malgré la clause de non-recours, pour ne pas avoir respecté le processus que la province avait elle-même mis en place.

Cette décision de la Cour suprême est intéressante puisqu’elle établit, et ce de façon unanime, un cadre d’analyse approprié lorsqu’un contractant tente de se soustraire à une clause contractuelle auquel il a adhéré. Mais cette décision est également intéressante puisque les juges, après s’être entendus sur le cadre approprié, ne s’entendent pas sur l’application en l’espèce de ce cadre.

D’abord, quel est ce cadre? Il s’agit de trois étapes que tout juge devrait suivre avant de décider si une clause s’applique ou pas. 1re étape : est-ce que la clause « s’applique aux faits mis en preuve »? 2e étape : Est-ce que cette clause était invalide au moment de la formation du contrat? 3e étape : Est-ce que le tribunal devrait tout de même refuser d’appliquer la clause pour une raison d’ordre public?

La Cour Suprême a décidé, à la majorité, que la clause de non-recours ne pouvait s’appliquer aux faits mis en preuve. En effet, aux yeux de la majorité, les parties ne pouvaient avoir accepté une clause de non-poursuite qui exonèrerait la province à respecter les termes de l’appel d’offres. Par conséquent, la province a été condamnée à verser des dommages au soumissionnaire qui a institué le recours.

Par ailleurs, il est intéressant de noter que 4 des neuf juges n’étaient pas d’accord avec cette interprétation. Pour eux, la clause de non-recours était très claire et ne souffrait d’aucune ambigüité. Elle s’appliquait aux faits en litige, elle n’était pas invalide, et aucune raison d’ordre public ne justifiait qu’on la mette de côté. Pour eux, même si la province ne respectait pas sa part de ses obligations, les soumissionnaires acceptaient un tel risque en acceptant la clause de non-recours.

En somme, les clauses de non-responsabilité ou de non-recours doivent faire l’objet d’une analyse avant qu’elle soit mise de côté, il n’y a pas d’automatisme. Cependant, la transparence et la clarté sont des atouts importants pour s’assurer de leur validité.

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