Dans son livre intitulé Outliers: The Story of Success, Malcolm Gladwell énonce une théorie selon laquelle il faut 10 000 heures de pratique pour qu’un être humain perfectionne une discipline. C’est vrai pour les joueurs de hockey, les informaticiens et les avocats.
En prenant pour acquis que nous acceptons ce postulat, il en coûterait environ 848 327$ au bureau moyen pour former un avocat à la perfection. Tout un investissement.
Voici comment j’arrive à ce montant faramineux:
1- Je me base sur le salaire moyen d’un avocat salarié (82 500$) publié sur le site du Barreau du Québec datant d’une étude datant de 2008 et je fais croître ce salaire de 3% par année jusqu’en 2013. Ça donne donc un salaire moyen de 95 640$ pour l’avocat salarié moyen.
2- Dans cette même étude, on détaillait la moyenne du nombre d’heures travaillées qu’on séparait en 5 catégories, soit les heures facturables, les heures de gestion, les heures de développement des affaires, les heures de pro bono et les heures de formation. J’enlève donc du compte les heures de gestion et les heures de développement des affaires puisque ce ne sont pas vraiment des heures qui permettent de mieux pratiquer le droit.
La segmentation de ce tableau n’étant pas très claire, j’ai fait une moyenne des trois rangées et ça donne en moyenne 1128 heures par année. J’en déduis donc que ça prend 8,87 années (10 000 / 1128) à un avocat moyen pour perfectionner la pratique du droit.
3- En multipliant le nombre d’années (8,87) par le salaire moyen d’un avocat salarié (95 640$) et en présumant que les salaires ne varient pas, on arrive à un montant moyen de 848 327$ versé en salaires à un avocat pour l’entraîner et probablement beaucoup plus dans les grands bureaux, qui sont habituellement en haut de la moyenne de la rémunération. Et ce, sans compter les dépenses autres que le salaire.
Maintenant qu’on a ce chiffre, on peut extrapoler. Disons que 5 avocats complètent ce cycle de 8,87 ans et que 4 avocats sur 5 ne deviennent jamais associé, ça voudrait donc dire qu’un cabinet a dépensé 4,24 M$ en salaires pour former un seul associé.
Bon, vous me direz que pendant qu’on entraînait cet avocat, nous étions compensés, mais disons qu’on enlève les heures de formation et les heures de pro bono, on a quand même environ 10% de ce montant qui ne génère pas de compensation. Je ne dis pas qu’il faut arrêter de dépenser ces montants, mais il faut gérer nos cabinets en considérant ces dépenses.
Grâce à ces chiffres, on peut aussi calculer le retour sur investissement de ces dépenses, le seuil de rentabilité d’un nouvel associé en comptabilisant l’investissement nécessaire pour le développer ou le montant qu’on serait prêt à dépenser pour aller recruter un avocat latéral sans avoir à le former. À la lumière de ceci, j’espère que les cabinets d’avocats auront avant longtemps des analystes à l’interne qui vont étudier ces données pour trouver des tendances et adopter des stratégies de gestion en conséquence.
Enfin, si vous avez le plaisir de connaître M. Gladwell, qui a fait ses études au Canada, remerciez-le de ma part.
